Sur le chemin de la mort de son petit ami, le regard de Laura croise celui de Betty qui, au bord de la route, peint la clôture de son jardin à quelques centaines de mètres du lieu de l ’accident, dont elle va sortir avec seulement quelques égratignures.
Elle reste chez Betty, une étrange taiseuse, qui l'accueille dans sa maison isolée, perdue au milieu de nulle part dans la région d'Uckermark.
Christian Petzold se passe d'explications. Ses films n'adoptent pas un réalisme qui exige une crédibilité psychologique. Ainsi, le tragique accident s'estompe rapidement et devient insignifiant. Il sert simplement de catalyseur à l'histoire qui se déploie ensuite. L'histoire d'une mère solitaire qui recueille une femme fragile, mue par ses rêves inexprimés.
Richard, le mari de Betty, et leur fils Max arrivent également. À table, ils fixent tous deux, d'abord perplexes, la quatrième assiette jusqu'à l'arrivée de Laura, qui apporte le plat : des Königsberger Klopse (boulettes de viande en sauce blanche). Il est clair qu ’un vide est à combler au sein de la famille.
Le récit se déroule dans une douce gaieté, teintée de mélancolie. Le père et le fils, qui tiennent un garage à proximité et semblent y habiter, s'attellent à réparer un robinet qui fuit ou un lave-vaisselle en panne, espérant ainsi, par la même occasion, recoller les morceaux de leur famille brisée – pour quelle raison? Nous l‘apprendrons à la fin.
On discute des mérites respectifs de la pâte brisée et de la pâte levée autour d'un gâteau. Ou Max et Laura sont assis devant le garage, écoutant en silence une chanson jusqu'à ce qu'ils éclatent de rire ensemble. Des moments de bonheur quotidien. Mais on s‘attend à l‘engloutissement de ce radeau d'âmes naufragées.
C'est un film délicat et onirique, qui déroule son récit avec une maîtrise exceptionnelle.