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Miséricorde
6.8
Miséricorde

Film de Alain Guiraudie (2024)

Enfin j'ai vu Miséricorde !


Oui, Guiraudie c'est du cinéma un peu spécial, où l'homosexualité latente des personnages vient toujours chambouler le fil narratif au fur et à mesure de l'intensité du désir homosexuel, lorsqu'il se révèle en pleine intensité et explose à la figure, surtout chez ceux pour qui on ne s'y attendait pas (mais on s'y attend toujours désormais avec ce réalisateur). 


L'histoire, dans Miséricorde, comme souvent chez Guiraudie, est au départ une fresque sociale interessante, celle d'un village coupé de tout, et qui vient dépeindre les us et coutumes des habitants comme l'unique boulangerie du village qui apportait du confort aux habitants, le fait de boire un coup chez le voisin, jusqu'à la cueillette des champignons, en passant par le "trou dans le CV", phrase prononcée par des gendarmes, à la fois représentant de la loi commune, faisant des pointes de rappels à l'ordre moral (ici l'ordre moral de l'exploitation) mais avec qui il est possible de discuter autour d'un verre de pastis.


Le cadre de la ruralité est donc posé comme dans «Rester Vertical» ou d'autres Guiraudie, et c'est avec amusement que l'on découvre qu'un personnage central de l'histoire se trouve être le réalisateur du très bon "Chien de la casse", Jean-Baptiste Durand, lui même exploitant avec brio les éléments et thèmes de la ruralité.


Comme dit précédemment, c'est l'homosexualité d'un personnage qui vient tout déclencher, chambouler la trame narrative, consensuelle si l'on veut jusqu'alors. Il y a peu – voir jamais – de moralisation, c'est à dire de jugement sur si c'est mal ou bien, ce qui fait qu'on se trouve un peu du coté de l'utopie – le jugement moral étant mis en suspension. L'homosexualité n'est plus un tabou, et au contraire les liens sexuels, et surtout homosexuels se font et se défont avec une facilité très amusante, et surtout déconcertante (au début). Cette mise en suspension du jugement moral, amené par l'homosexualité, amène même, dans ce Guiraudie, à la naïveté à la vue d'un crime, et ce, dans le plus grand naturel du monde. Mais s'il amène des situations improbable, il permet aussi de fournir des dialogues de haute volée, où les tabous sont aussi brisés. On est un peu comme chez Rohmer, mais l'hédonisme y est moins prononcé notamment parce que les  personnages ont toujours un coté prosaïque qui les tire du coté de l'amour platonique en même temps que l'amour et le désir sexuel.


"A désire B, le dit dans le plus grand des calmes, et B se retrouve à désirer A" est un peu le schéma du désir des personnages au physique ordinaire, et même des personnages qui sont par ailleurs des laissés-pour-compte du marché du désir, où ceux-ci viennent prendre leur revanche par rapport à un cinema plus traditionnel, et disons le hollywoodien.


Un cinema de laissés-pour-compte où même un prêtre, alors insignifiant au début prendra toute sa place dans le champ de l'amour.


Les thèmes sont variés chez Guiraudie mais je regrette à chaque fois la même variation sur la crise de l'homosexualité qui-vient-tout-chambouler-dans-le-script (sauf dans du "soleil pour les gueux" où il n'y a pas d'homosexualité ou dans l'Inconnu du lac où il n'y a que ça).


Mais quel cinéma rafraîchissant tout de même.

espka
7
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Créée

le 9 oct. 2025

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espka

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