On n’attendait plus grand chose d’un Ken Loach qui songeait sérieusement à prendre sa retraite de cinéaste et à se consacrer au documentaire après une carrière plus que bien remplie et couronnée d’une Palme d’or (Le Vent se lève) avant celle reçue pour Moi, Daniel Blake en mai dernier à Cannes.
Moi, Daniel Blake raconte les difficultés rencontrées par un menuisier d’une soixantaine d’années qui se trouve dans l’impossibilité de travailler pour des raisons médicales et qui doit se battre pour bénéficier de ses indemnités de chômage.
Avec ce nouveau drame ancré dans une réalité très actuelle, Ken Loach vise juste en pointant du doigt les absurdités et l’injustice du système administratif anglais qui met la pression sur les gens en situation précaire, en les culpabilisant et en essayant de réduire leurs prestations par tous les moyens, entrainant parfois des situations totalement absurdes.
A travers le portrait de ce sexagénaire qui se bat pour garder sa dignité, le cinéaste évoque une génération d’hommes et de femmes dépassée par le progrès technologique mais aussi par un monde de plus en plus kafkaïen où les lourdeurs et les incohérences administratives pénalisent toujours plus les classes sociales défavorisées.
Comme souvent chez Ken Loach le discours politique engagé s’appuie sur une histoire mettant en scène des personnages « forts », souvent un peu borderline, qui galèrent mais qui se serrent les coudes. C’est encore le cas ici avec cette jeune mère célibataire qui voit arriver dans sa vie ce bon vieux Daniel comme l’homme providentiel et avec lequel elle va faire un bout de chemin.
Avec la distance nécessaire, sans jamais essayer de jouer sur la corde sensible, sans misérabilisme et avec des situations criantes de vérité, et surtout avec beaucoup de pudeur, le réalisateur de Looking For Eric nous offre là un film brut et bouleversant qui rend hommage à ceux qui se battent au quotidien pour s’en sortir dans une époque où la place de l’humain est sans cesse réduite.
Sans être forcément un grand film et avec toujours ces petits défauts, ces « facilités » et ces faiblesses propres au cinéma de Ken Loach depuis tant d’années, mais qu’on lui pardonnera bien volontiers, Moi, Daniel Blake est un film nécessaire qui justifie cette Palme d’Or 2016 pour l’un des derniers cinéastes engagés et dont les films font plus que jamais un bien fou.
A retrouver en "Pour" et "Contre" sur BENZINE