Comme beaucoup sur ce site, j’ai un péché mignon, il ne s’agit pas des films de kung-fu hong-kongais fauchés des années soixante, comme ce bon Drélium, ni même de la représentation du sauroposéidon dans le cinéma bis occidental de 1923 à nos jours, comme ce doux-dingue de zombiraptor, non, non, rien de si pointu ni d’exotique, le mal est plus profond, comme la France du même tonneau et les plus observateurs d’entre vous auront remarqué ces dernières semaines une crise de rechute inquiétante qui est encore loin d’entrer en rémission…

J’avoue, j’ai une tendresse coupable pour les films franchouillard des années cinquante, surtout si ça se passe en province, dans un joli petit village ou une minuscule sous-préfecture... quand je vois la tranche de la collection René Château dans une braderie, je commence à trembler, j’ai des petits frissons glacés puis des sueurs, je tends une main que je voudrais assurée et détachée vers l’objet de mes désirs et je me retrouve à demi extatique devant un Fernandel de huitième zone par Jean Boyer, un Norbert Carbonnaux qui essaie sournoisement de se vendre sur le nom d’un Louis De Funès qui doit bien jouer deux minutes en tout et pour tout dans le film ou encore un Guy Lefranc qui n’a pas oublié de montrer la bonne trogne moustachue de Noël Roquevert sur son incroyable affiche dessinée qui suffit à me faire verser une larmichette…

Là, je vous avoue, j’ai su résister longtemps, j’ai reposé deux ou trois fois le boîtier à sa place, raisonnable, essayant d’oublier le dessin colonial de l’affiche, le nom de Roquevert en gros sur le devant, la petite photo d’un De Funès encore jeune (si j’ose dire) grimaçant sur l’arrière et j’ai fouillé sagement au milieu des Henry King inconnus avec Tyrone Power, des Don Ameche oubliés de curieuse facture, des Rex Harrison épiques en technicolor et des films catastrophes bisseux des 70’s produits par Irwin Allen (en vrai, j’ai craqué pour tous, sauf le pauvre Ameche que je regrette amèrement).

Ici, un défaut principal, le héros, Raymond Bussières, franchement, en premier rôle, ça ne fera bander personne, même mes collègues en maladie de franchouillardise… On essaie bien de se dire qu’il y a aussi Annette Poivre et Paulette Dubost pour compenser, mais c’est à peine si un début de conviction vous étreint la gorge tremblotante.

Mais heureusement, il y a le titre, un titre fier et vainqueur, quelque chose qui résonne comme un clairon dans le désert à la caserne de la Légion étrangère, une mélopée sauvage sous un short colonial, la douceur du manioc entre deux gorgées de Beaujolais, l’appel incessant enfin qui s’immisce doucement comme un gri-gri hypnotisant au creux de votre cervelle malade : « mon-fran-gin-du-sé-né-gal ».

Alors logiquement j’ai craqué... Bien sûr, Noël est merveilleux dans son énième rôle d’épicier, bien entendu, Louis de Funès est énorme dans ses deux minutes de médecin et forcément, Raymond Bussière en Buster Keaton du pauvre dans le double rôle du photographe timide amoureux de la fille de l’épicier qui ne rêve que de héros de films d’aventures hollywoodiens et de son frère jumeaux expatrié moustachu faussement viril qui lui fera enfin tourner la tête, ça n’est vraiment pas possible…

Pourtant, la petite ville est charmante avec son petit côté Champignac-en-cambrousse, il y a même un lion évadé quelque part, un bal populaire, une belotte, une vraie tentative de faire du sous-Tartarin sans l’accent, mais, hélas, rien ne fonctionne vraiment… Heureusement, ça dure 1h25, je ne me suis pas vraiment ennuyé, la faute à mon infirmité décrite plus haut qui y trouve tout de même un apaisement, mais quand même, quand même… doit y avoir des moyens moins radicaux pour se soigner en ce bas monde…
Torpenn
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le 20 sept. 2013

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Torpenn

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