J'ai gardé un très bon souvenir du film Le Complexe du Castor que j'ai vu il y a quelques temps maintenant, et j'avais donc hâte de retrouver Madame Jodie Foster derrière la caméra.
Premièrement, la réalisation est précise et soignée, ce qui sert le propos et retranscrit à merveille toute la brutalité et la violence -aussi bien physique que morale- qui transpirent de ce long métrage.


Deuxièmement, le thème du film m'a forcément beaucoup plu, et je trouve qu'il a été traité avec beaucoup de justesse et de finesse.
Lorsqu'on s'attelle à une critique de la finance folle et de ses dérives, le risque est grand de vite s'engluer dans la caricature et l'hyberbole.
Je salue à ce titre le gros travail effectué par Foster pour ne pas tomber dans le manichéisme le plus élémentaire.
L'absence de parti pris et la neutralité dans le traitement du sujet me semblent donc fondamentales à souligner.


Money Monster se veut avant tout humaniste, et c'est là sa grande qualité; le présentateur télé qui peut paraître désinvolte et arrogant redevient un simple humain dès lors que sa vie est en jeu.
La réalité chasse alors toutes ces gesticulations médiatico-financières, et cet avatar clownesque d'un système hors-sol reprend chair par le biais le plus élémentaire -et donc humain- : la peur.
A noter également que l'idée de prise d'otage s'applique ici aussi bien au sens propre -Lee pris au piège sur son plateau de télévision- que figuré -Kyle Budwell, victime collatérale d'un système glouton et perfide-.


Par ailleurs, l'écriture scénaristique, assez poussée, m'a déçu par son côté très conventionnel et hollywoodien; j'y ai perçu une forme de retenue, comme si au moment où l'intrigue allait déraper et soudain tout emporter sur son passage, il fallait la stopper sous prétexte de codes aussi injustifiés que rigides, visant à s'adresser à un spectateur lambda.
Je doute que Jodie Foster ait eu droit au final cut, car d'après moi le film en aurait été bien plus intéressant car plus poussé mais aussi à la fois plus épuré.


Je regrette notamment cet espèce de défilé de figures imposés : Diane la working-girl trentenaire à qui tout réussit, qui sort avec son boss, lui-même marié.
(Tout ça pour justifier le fait qu'elle puisse obtenir les informations si importantes pour le coincer)
Je trouve qu'il y a des facilités dans le scénario, quelque chose manque.
J'aurais bien vu un 2heures15/20 pour ce film, afin de davantage creuser les personnages dont la complexité est à peine effleurée.
Le personnage de Julia Roberts est assez anecdotique, desservi par une interprétation suffisante de l'actrice qui se contente de faire ce qu'elle connaît.
Le film tombe ainsi bien trop souvent dans la facilité et le déjà-vu, et l'impression globale qu'il donne est assez frustrante.


Bref, un film qui propose, aussi bien du fait de son sujet que de son scénario, une expérience singulière et unique de cinéma, mais qui pèche par une exécution bien trop formelle et aseptisée. Quelques grains de génie fosteriens viennent toutefois pimenter le visionnage et rehaussent la prestation globale, en parallèle d'une interprétation honnête bien que facile de Georgie.

Workit Pi

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