Au coeur de la machine médiatique et financière


CONTRASTES DE TONALITÉ



De la mégalomanie d'un Lee Gates (Georges Clooney) qui pastiche à merveille les présentateurs télé-vedettes tous aussi incroyablement désuets du moindre charisme journalistique à la stature sérieuse et implacable de la productrice de l'émission, Patty Fenn (Julia Roberts), le film repose sur cet implacable combo de burlesque et d'antithétique. Le cinéma a toujours fonctionné par dichotomie : un duo improbable et loufoque qui entremêle les caractères les plus extrêmes et toutefois complémentaires. On aurait donc pu croire que l'alliance entre les deux figures relevaient alors d'un pur assemblage technique bien rôdé. Cependant, le contraste est ici joué dans la nuance, ne se frotte ni à l'obséquieux ni à l'outrance.


Après l'irruption de Kyle Budwell (Jack O'Connell), l'ambiance grotesque et outrageuse qui règne sur le plateau se substitue progressivement à la tournure dramatique que prennent les événements. On assiste impuissants à cette prise d'otage, aux responsabilités qui incombent chacun de réagir avec la plus grande délicatesse pour éviter que la situation ne s'envenime davantage. La psychologie de chacun des personnages ajoute à la peur et l'instinct de survie cette point d'adrénaline qui pose les bases du suspense. La frivolité et les excès d'alors laissent la place au désespoir d'un homme qui a tout perdu, qui se montre en représentant excédé des victimes d'une société corrompue par l'argent-roi.



LE QUATRIÈME POUVOIR



Film d'action qui s'inscrit dans une longue tradition du cinéma reposant sur les codes de la prise d'otage, réemployant le vocabulaire du gilet piégé, des explosifs et du canon sur la tempe, il est néanmoins un pamphlet qui se veut évocateur d'une nécessaire prise de conscience des dangers du capitalisme poussé au jusqu'auboutisme de l'ère postmoderne.


On connaissait déjà l'engagement de Georges Clooney et son implication active concernant la politique ainsi qu'à plus large échelle une importance accordée à l’œuvre humanitaire et diplomatique. Il semblerait que Jodie Foster le rejoigne sur le chemin de la dénonciation et de la mise en alerte.
Car si le long métrage évoque la passivité humaine face à un monde totalement automatisé et entièrement régi par l'informatique et les algorithmes mathématiques qui structurent la bourse, il est également une illustration du quotidien désormais rythmé par la valeur monétaire et la cupidité qu'elle induit, du pouvoir accordé aux puissances industrielles, financières et politiques (qui se trouvent d'ailleurs souvent être les mêmes) qui gouvernent les enjeux du monde contemporain. Enfin, les médias s'imposent en révélateurs des outrepassements aussi nombreux que normalisés, qui agitent notre temps présent à la manière des Panama Papers et autres affaires de truanderies et de bassesses politiques.


Aussi, l'efficacité de la réalisation pourrait faire dire à certaines mauvaises langues que ce film n'apporte rien de neuf, pourtant l'espace dans lequel s'inscrivent les acteurs et les problématiques mettent un point d'honneur à penser par soi-même, à se méfier des puissants et à oser questionner le système.

FlorianAubert
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le 4 juil. 2016

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