Insituable et intemporel, Monsieur Hire figure parmi les films les plus originaux de la carrière de Patrice Leconte, cinéaste une nouvelle fois épaulé de son acteur fétiche : l'inénarrable Michel Blanc. Pleinement intimiste tout en laissant une place importante au romantisme ce film succède au superbe Tandem dans une filmographie principalement composée par le passé de comédies potaches, filmographie peuplée en outre de petits films d'auteur allant du médiocre au très plaisant ( on retiendra ainsi le magique L'Homme du train ou l'obsédant Confidences trop intimes...).


Dans un Paris à peine identifiable Leconte installe les deux figures dramatiques de son poème filmique pour le moins incarné. D'un côté Hirovitch dit Monsieur Hire, petit homme glabre et digne à l'activité imprécise, d'allure hiératique et de visage exsangue épiant sa voisine au rythme métronomique des soirées de solitude ( seule la composition de Michael Nyman, émanant élégamment d'un phonographe, l'accompagne chaque nuit ) ; de l'autre Alice, la fille d'en face, amante prise au piège d'une terrifiante affaire de meurtre et de chantage potentiel, radieuse et gouailleuse comme la beauté du Diable mais aussi troublé que troublante... L'alchimie liant ses deux personnages tient de la fantasmagorie pure, le cinéaste jouant énormément sur la sensitivité de son métrage ( atmosphère veloutée mais aussi éclairages blêmes, sensations olfactives, tactiles, bande-son très élaborée et récompensée pour l'occasion ). Se dégage de Monsieur Hire un parfum diffus mais tenace, conte empreint de macabre et de désir, désespéré parfois, subtil toujours.


Hormis Georges Simenon et Julien Duvivier Monsieur Hire convoque deux références cinématographiques majeures : d'une part Hitchcock pour le voyeurisme et le soupçon de fétichisme, la figure féminine blonde et - de fait - l'hommage à Rear Window ; et d'autre part Roman Polanski ( on pense beaucoup au Locataire pour l'ambiance froide et le suspense pernicieux, surtout lors de l'ultime séquence renvoyant directement à l'épilogue du classique de 1976 ). Inspiré de part et d'autre le film de Patrice Leconte s'agit d'un drame à la fois sobre et audacieux qui distille ses essences avec panache. Un petit chef d'oeuvre !

stebbins
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le 20 mai 2015

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