Lorsque l'on parle du Bon Dieu, du fait qu'il nous aime et qu'il veut notre bien, on nous objecte souvent que "c'est bien beau tout ça, mais si y'avait un bon Dieu il y aurait pas tant de misère dans le monde. Peut-être bien que Dieu existe, mais il doit bien s'en foutre de ce qui nous arrive ! Il doit être occupé à autre chose". Moi même, avant de trouver la Foi, je ne comprenais pas cette "énigme" : pourquoi, si Dieu veille sur nous, disent-ils, pourquoi alors le monde est-il si pourri, si mauvais, pourquoi des gens meurent de faim, pourquoi y a-t-il la guerre aux quatre coins du monde, pourquoi faut-il qu'il y ait tant de souffrance ? C'est une question grave en effet.


Écoutons les leçons d'un homme qui a consacré sa vie à soulager les misères du monde, au nom de Dieu et par la grâce de Dieu.


1- Le monde est tel que les hommes le font. La guerre, la violence, l'iniquité, Dieu ne les a point voulues. Ce sont les hommes, dans leur méchanceté et dans leur concupiscence, qui font le mal en toute liberté. Dieu respecte la liberté humaine et ne peut contraindre quiconque à être honnête ou vertueux, suivre la Loi de Dieu et la garder en son cœur suppose un choix libre et individuel (Note : une éducation chrétienne ne peut que mieux disposer à faire ce choix ; bien imprudents sont ceux qui en priveraient leurs enfants au nom de la liberté de conscience ! Il est si facile de choisir la voie du mal, si facile de se perdre, nous avons tous besoin d'être guidés à un moment où à un autre. L'éducation est primordiale dans la sauvegarde des bonnes mœurs et de la Foi. En sens contraire voyez plutôt les "bienfaits" d'une éducation libérale et athée sur les mœurs, la probité et le sens du sacré de nos jeunes générations).


2- Non seulement Dieu n'a point voulu cela, mais il y a plus encore : ces crimes commis par les hommes crient vengeance devant Dieu. Les hommes qui les commettent encourent les rigueurs de son infinie Justice. Le jugement se fera tout spécialement rigoureux envers les hommes de haute responsabilité, ceux qui pourraient d'une quelconque manière être responsable des misères ou des infortunes d'un grand nombre de personnes. "Un jugement inexorable s'exerce en effet sur les gens haut placés ; au petit, par pitié, on pardonne, mais les puissants seront examinés puissamment." (Sagesse, VI, 5-6)


3- Rien n'arrive sans le concours de Dieu et de sa Providence, Dieu qui vit hors du temps sait de toute éternité ce qui se passera dans nos avenirs terrestres. Mais pourquoi se fait-il alors que le mal arrive ? Il faut d'abord, nous l'avons dit, que Dieu respecte la liberté de ses créatures. Mais si Dieu permets que le mal arrive, c'est parce qu'un plus grand bien peut en sortir. Judas a trahi Jésus, le Sanhédrin et Ponce-Pilate l'ont condamné à mort, il fut traité jusqu'au bout comme le dernier des scélérats ; de tout ceci est sorti le Salut du monde. Dans les premiers siècles de l’Eglise, de violentes persécution eurent lieu et des chrétiens moururent dans des conditions atroces ; de tout ceci est sorti une myriade de martyrs dont l'héroïsme inspirera leurs successeurs et aidera à convertir de nombreux pécheurs. On pourrait continuer comme cela en faisant toute l'Histoire de l'Eglise.


S'il n'y avait pas eu toute cette misère et tout ces pauvres gens, il n'y aurait pas eu saint Vincent de Paul. S'il n'y avait pas eu les erreurs et les jugements faux des hommes, il n'y aurait pas eu saint Thomas d'Aquin. S'il n'y avait pas eu tout ces pécheurs à sauver, il n'y aurait pas eu le Christ !


Voyez-vous : le mal, la souffrance, le mensonge, la calomnie, la haine, la violence, l'abandon, les épreuves de toutes sortes, les tentations du démon ; voilà ce qui deviendra pour le bon chrétien qui les subis une source de mérite et de vertu, pour peu qu'il garde un état d'esprit surnaturel.


S'il n'y avait pas de méchant dans un film d'action, ça ne serait pas drôle ! Ce film n'aurait pas d'intérêt. Pareillement notre vie terrestre n'aurait pas d'intérêt s'il n'y avait pas un peu de lutte et un peu de souffrance. Dieu laisse les démons se déchaîner contre nous, afin que nous ayons l'occasion de nous battre et de nous exercer à la vertu. Les évangiles et les vies des grands saints sont là pour nous rappeler que la sainteté s'acquiert de haute lutte.


4- Du reste, l'action tranquille de la Providence nous évite sans doute quantité de maux chaque jour, sans que nous ne puissions nous en rendre compte, et nous procure pareillement des tas d'autre bienfaits matériels et spirituels ; et dès lors qu'un petit souci nous accable nous en voulons au monde entier, nous nous plaignons et nous exagérons nos peines à souhait. Supportons avec patience les épreuves que Dieu nous permets de vivre, portons notre croix avec dignité, telles sont entre autres les leçons de l’Évangile. A chacun il est permis de subir un certain nombre d'épreuves ; une même épreuve sera, pour l'un, la raison de sa chute, pour l'autre, un tremplin vers le Ciel.


5- Faut-il alors mépriser ceux qui se plaignent de leur sort, ceux qui ne se résignent pas à souffrir en silence et avec vertu comme il le faudrait ? Pardi non ! Il vaut mieux encore les aider.


Aidons notre prochain et soulageons ses souffrances. Voilà une autre grande leçon évangélique, la plus connue peut-être mais pas forcément la mieux comprise. La charité fraternelle chrétienne n'est pas seulement une affaire de bons sentiments mondains. Il revient à Dieu de peser les âmes, de juger des mérites et des fautes de chacun, il nous revient à nous de les aider et de les protéger de leur vivant, alors qu'il est encore temps de faire quelque chose pour leur salut. Mais lorsqu'un homme meurt de faim, il faut d'abord lui donner du pain avant de le catéchiser ! Le bon sens nous dicte que l'âme ne se mets dans de bonnes dispositions que lorsque le corps le lui permets suffisamment. Ainsi nous ne pouvons décemment exiger d'un miséreux qu'il soit vertueux alors que l'on ne lui permets même pas de manger à sa faim.


Si Dieu permets que tel homme puisse souffrir les affres de la faim, n'est-ce pas aussi pour que nous puissions mieux l'en soulager ? Outre cela, les principes les plus élémentaires de la justice et du droit naturel nous commandent de subvenir aux besoins des plus démunis. Les biens que certains possèdent en surabondance sont destinés, par le droit naturel, à secourir les pauvres. «Le pain que tu gardes appartient à ceux qui ont faim, les vêtements que tu caches appartiennent à ceux qui sont nus et l'argent que tu enfouis est le rachat et la délivrance des malheureux. » (saint Ambroise)


Mais au delà de ces souffrances corporelles, immédiates, criantes, il faut aussi avoir soin des souffrances spirituelles de notre prochain. Ce qui implique de consoler, de rassurer, de conseiller, de soulager l'ami ou le confrère qui nous conterait ses misères. Il ne suffirait pas de l'exhorter sèchement à la pénitence et à la résignation, comme le ferait un janséniste. Nous sommes faits pour vivre ensemble et nous aider les uns les autres, pour diffuser le bien autour de nous, pour édifier et éduquer nos frères qui en auraient besoin, et se faire édifier et éduquer par ceux qui sont plus sages que nous. C'est la volonté divine que nous prenions soin des uns des autres. Et Dieu sait si la miséricorde et la douceur chrétienne auront ému plus d'un païen, et contribué à de nombreuses conversions. "Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. A cela tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres." (Jean, XIII, 34-35)


6- Ceux qui vivent dans l'extrême misère peuvent être laids, brutaux, mal élevés, vicieux, immodérés, ingrats ; comme nous tous au fond ! Oui, nous pauvres pécheurs, nous sommes laids. La différence c'est que ces gens miséreux n'ont plus le « masque » des bonnes allures, de l'éducation policée, du petit jardin secret que l'on enfouis loin des regards ; leur laideur est crue et sans détour. Ainsi sont les hommes, nous dit saint Vincent, dès lors que l'on fait tomber le décor, qu'on enlève les costumes et le maquillage.


Faut-il pour autant faire l'ado nietzschéen dépressif, le misanthrope, l'anarchiste de droite désabusé, dès lors que nous sont rendues visibles les misères spirituelles de l'humanité ? Demandez donc à monsieur Vincent ce qu'il en pense ! Et demandez donc au Christ qui est venu pour nous racheter.


Il faut faire de son mieux pour remonter la pente, pour soigner, pour aider, pour pardonner, en espérant ramener avec soi une ou deux âmes sur le chemin de la Lumière. Il faut supporter, être patient, être attentionné, mais aussi être sévère parfois, corriger, redresser, ne pas tomber dans la mollesse débonnaire, au risque de causer de plus grands maux encore. Le commandement de la Charité fraternelle ne s'adresse pas qu'aux gens qui nous sont agréables, ou aux gens que l'on apprécie pour leur vertu ; mais il nous faut aussi (et peut-être même, prioritairement) aimer ceux qui nous sont désagréables, qui nous offensent, qui nous veulent du mal, ceux qui pèchent outrageusement, il faut à eux aussi leur souhaiter la rédemption, œuvrer à faire leur bien autant que cela est possible.


« Vous avez appris qu'il a été dit: Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes… » (Matthieu, V, 43-45)


« Car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et fait pleuvoir sur les justes et les injustes » : dit plus prosaïquement, « on est tous dans la même merde les gars ». Serrons nous les coudes, et si nous avons un peu de bonheur, un peu de lumière, un peu de joie dans notre cœur, ne soyons pas économes de ces choses là : diffusons, diffusons partout. Le Bien est diffusif de soi par essence. Alors soyons vertueux, et soyons exemplaires, si nous voulons entraîner les autres dans le chemin vers le seul Bonheur qui vaille toutes les peines du monde.


7- Chrétien, tu as fait une belle aumône, tu as dit ton chapelet chaque jour, tu as assisté à la messe chaque dimanche, tu as promulgué de bon conseils à tes amis, tu n'as pas péché et tu as résisté aux tentations qui t'accablaient. Crois-tu en avoir fait assez ? Crois-tu qu'il te soit permis de te reposer sur tes lauriers ? Malheureux ! Nous n'en faisons jamais assez, car il y a encore tant à faire.


Nous devrions méditer longuement l'humilité incroyable de ce grand saint qu'est monsieur Vincent de Paul. « Je n'ai rien fait, madame, je n'ai rien fait » dit-il tandis que le monde le comble de reconnaissance, que le pape en personne tient à le faire louer, que tous connaissent sont nom et le vénèrent déjà comme un saint homme, pour la grandeur de ses œuvres ; lui médite sur toute l'ampleur de ce qu'il n'a pas pu faire, de ce qu'il n'a pas assez bien fait, de ce qu'il reste à faire, alors qu'il est un vieillard fatigué au seuil de sa vie terrestre.


Prenons exemple sur cette mentalité active, positive, entreprenante, infatigable, qui ne s'arrête pas minablement sur ses propres réalisations, mais qui est toujours plus avide de servir Dieu, d'agir pour sa plus grande Gloire, d'aider son prochain et de lutter contre le mal et contre tous les vices de ce bas monde. A chacun selon ses forces et selon ses talents, certes, mais toujours du mieux que nous le pourrons. Voyez aussi ce qu'une personne déterminée, patiente et éminemment exemplaire peut réussir à faire, alors que tout va contre elle au départ, dès lors qu'elle arrive à susciter dans le cœur de ses semblables suffisamment d'engouement et de zèle.


Ainsi les leçons du père Vincent sont-elles riches d'enseignements, que vous soyez un non-croyant qui cherche à comprendre la Foi catholique, ou que vous soyez un chrétien en quête de perfection et de dépassement.

Titiwilly
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le 16 mars 2016

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