Que nous apprend vraiment l'archéologie sur la Bible ?

On entend souvent, que ce soit à la télévision, à l'université, sur internet, dans les livres et médias spécialisés sur la question, que l'on a prouvé depuis longtemps que l'historicité de la Bible était toute illusoire, et qu'il n'y avait plus que des gens simples et naïfs (et/ou des extrémistes) pour croire que l'Exode et la conquête de Canaan avaient vraiment eu lieu. Les progrès de la science moderne ont eu raison de la superstition, et ont démontré que la Bible était une production purement humaine, fruit des préoccupations politiques des juifs autant que de leur imagination débordante. J'ai souhaité m'intéresser de plus près aux arguments qui permettent d'appuyer une telle opinion, je me suis donc tourné vers cet ouvrage « de référence », abondamment cité et mis en avant par les universitaires et les exégètes critiques.


Ce que j'ai découvert dans ce livre m'a laissé une certaine impression de déjà vu. Derrière ce sous-titre aguicheur, « les nouvelles révélations de l'archéologie », se cachent en fait des idées et des arguments qui existent, pour l'essentiel, depuis le début du XIXe siècle (cf. hypothèse documentaire), bien avant que l'archéologie puisse nous révéler quoi que ce soit de précis sur le Proche-Orient. Les éléments d'archéologie apportés par l'expertise de M. Finkelstein ne font que s'ajouter, comme des compléments, à ces explications héritées de l'exégèse rationaliste allemande, du moins pour ce qui précède l'établissement des royaumes d'Israël et de Juda (à partir de ce moment, les connaissances archéologiques sont plus abondantes). Ces messieurs ont d'ailleurs la bonté de citer plusieurs fois ces exégètes rationalistes (Julius Wellhausen, Martin Noth, Albrecht Alt, etc), en montrant ainsi de manière explicite leur filiation intellectuelle. C'est pourquoi il est possible de répondre à la plupart de leurs arguments par ceux de l’exégèse catholique de la fin du XIXe / début XXe : elles sont assez « classiques », en quelques sortes (critique des ci-nommées « contradictions » internes aux textes, des doublets, des réécritures – aucune de ces objections ne remet fondamentalement en cause l'inspiration des Écritures, concept mal compris par les rationalistes). Quand aux objections proprement archéologiques, elles sont souvent insuffisantes pour prouver ou infirmer quoi que ce soit de manière irréfutable : tout dépend de ce que l'on veut voir ou comprendre à partir de ces preuves archéologiques, qui sont peu éloquentes par leur substance propre.


Les auteurs ont un postulat de départ  : Dieu n'existe pas, ou, si tant est qu'il existe, la Bible n'est pas une émanation de son Esprit mais n'est qu'une création purement humaine, semblable à n'importe quel mythe païen. Ce postulat philosophique, partagé par beaucoup d'hommes de science de notre époque, est tout à fait gratuit, il ne s’embarrasse d'aucune forme de justification. La science par elle même est incapable de prouver ou d'infirmer l'existence de Dieu, ou la possibilité d'une inspiration des écritures : ce postulat appartiens à la philosophie, et non aux sciences naturelles. En partant d'un postulat inverse, les conclusions que l'archéologie et l'histoire nous livrent sont tout à fait différentes, du fait de la ténuité des sources qui nous empêche de pouvoir restituer avec une certitude absolue la réalité d'époques historiques aussi lointaines. Un athée et un croyant, face à une même donnée archéologique, peuvent interpréter cette donnée d'une manière différente, sans qu'aucune des deux interprétations soit foncièrement irrationnelle ou inacceptable, en étant considérée dans sa logique propre. Ainsi, ce n'est pas la science qui a « prouvé » que la Bible était une production purement humaine, puisqu'une telle chose est tout à fait invérifiable à l'aune de la seule critique interne du texte et de sa concordance avec l'archéologie. Ce sont les chercheurs qui sont partis de ce postulat, et qui essayent de faire concorder avec ce postulat les quelques minces preuves que ce passé lointain veut bien nous livrer.


La seule chose qui permet à Finkelstein et Libermann de qualifier leurs raisonnements de « preuves irréfutables », c'est le consensus académique qui existe autour de ce postulat philosophique athée ou rationaliste, et non pas la force intrinsèque de leurs arguments qui est objectivement assez faible. Nous pouvons leur concéder que, parmi toutes les hypothèses farfelues et alambiquées que l'on a pu inventer pour expliquer l'origine de la Bible (en s'interdisant d'y voir quelque chose de véridique, en partant du principe que ce document est une création fictive), celle de messieurs Finkelstein et Liberman est peut-être la plus convaincante, pour peu que l'on soit absolument insensible à la hauteur spirituelle et morale des textes bibliques, et que l'on se borne à n'y voir qu'un texte politique.


Sur le plan strictement méthodologique, ce travail comporte des biais regrettables malgré une apparence de sérieux et de rigueur. Le livre ne comporte aucune note de bas de page, les informations archéologiques sont assénées par les auteurs sans qu'il y ait parfois le moyen de savoir quelles sont leurs sources. Et il s'en est fallu de quelques vérifications rapides pour que je me rende compte que ces données qu'ils présentent comme certaines et fiables, en espérant que leurs diplômes éteindrons toute méfiance chez le lecteur, sont loin de l'être toujours… je veux parler par exemple de la domestication du chameau, qui selon les auteurs « n'a pas eu lieu avant le VIIIe siècle », alors que l'on a retrouvé en Égypte des peintures de chameaux portant des hommes et des cordes en poil de chameau datant vraisemblablement de périodes beaucoup plus reculées (vers 2600 av. J-C). Il y a bien une bibliographie détaillée à la fin du livre, mais on est en mesure d'attendre d'avantage de précision en termes de référencement des sources, face à un travail qui se présente comme universitaire. Cela vaut surtout pour ce qui concerne le IIe millénaire av. J-C, pour le Ier millénaire les données sont plus abondantes et plus fiables (et, d'ailleurs, beaucoup moins « dérangeantes » pour les tenants de l'historicité de la Bible).


Le plus grand problème de leur argumentation est ce que nous pourrions appeler la « preuve par l'absence », qui par définition n'est la preuve de rien du tout : « nous n'avons pas de traces de (…), alors cela veut dire très probablement que (…) n'a pas eu lieu, n'a pas existé ». On m'a appris, jeune étudiant en histoire que je suis, à m'en tenir à cet adage de bon sens  : « absence de preuve n'est pas preuve d'absence ». Il ne saurait trouver meilleure application que dans pareille situation. Que l'on ne trouve pas de traces de murs à Jéricho pour la période du bronze récent, c'est une chose. Mais les causes de cette absence de traces peuvent être multiples (avaries climatiques, habitation continue du site, écroulement géologique, destructions méthodiques, voire même mauvaise identification du site – ce qui n'est pas une chose rare en archéologie-, etc), et évidemment il est facile de conclure que Jéricho n'existait pas ou n'avait pas de murailles au XIIIe siècle av. J-C si l'on part du principe que la Bible a été écrite plus tardivement … mais il n'y en a aucune preuve positive. Un tel procédé est d'autant plus insensé lorsqu'il s'agit de dire « nous n'avons aucune trace de la migration d'un certain Abraham en Canaan, ou de traces des Hébreux dans les archives égyptiennes ». Les déplacements de groupes de pasteurs/caravaniers nomades entre la Mésopotamie, la Syrie et l’Égypte étaient tout simplement des choses courantes et habituelles et l'époque, et par ailleurs, les textes égyptiens mentionnent bien la présence de populations sémites pastorales considérées comme nuisibles et marginales sur leurs terres, les Hébreux devant être une de ces peuplades parmi d'autres bien qu'ils n'y soient pas nominalement mentionnés (et encore … le terme « Apirou », qui désigne en égyptien des marginaux plus ou moins perçus comme des brigands, ressemble tout à fait au mot « Hébreu » et pourrait en être l'origine étymologique). Je me suis livré à une étude détaillée de chacun des arguments utilisés dans la première partie (celle qui parle des sujets les plus importants – les deux autres parties sont consacrés à des périodes mieux connues, et ne remettent pas fondamentalement en cause le récit biblique), il serait impossible de tout retranscrire dans une critique de ce genre mais je n'ai pas rencontré une seule objection qui invalide véritablement l'historicité et l'intégrité substantielle de la Bible, pour peu que l'on prenne le temps de décomposer les preuves et de peser la valeur des hypothèses.


Et donc, que nous apprend vraiment l'archéologie sur la Bible ? Peu de choses, suffisamment peu pour que l'on puisse prétendre que ceci ou cela n'a pas eu lieu, mais assez pour pouvoir étayer dans les grandes lignes la crédibilité du récit biblique, ce que reconnaissent dans une certaine mesure messieurs Finkelstein et Silberman (les chapitres de la première partie sont souvent construits de la même manière : 1- Autrefois on a cru que la Bible disait vrai, et il y avait de bonnes raisons d'y croire ; 2- Mais l'archéologie a mis au jour certains détails gênants ; 3- Comme le disaient les exégètes rationalistes, on peut expliquer ceci par cela ; 4- Ces textes nous renvoient donc à l'époque de Josias, au VIIe siècle av. J-C). Si quelqu'un est intéressé par le détail de ces questions sur la valeur historique du récit biblique, nous pouvons toujours en discuter en message privé ou dans les commentaires, je crains de ne trop surcharger cette critique déjà longue.


**


Après avoir discuté des problèmes épistémologiques et méthodologiques de la démarche des auteurs, intéressons-nous plus globalement à la thèse qu'ils proposent sur l'écriture de la Bible. La voici : les écrits de la Bible furent élaborés à Jérusalem au VIIe siècle, sous le règne du roi judéen Josias ; les récits qu'ils contiennent furent inventés à l'occasion, ou repris pour partie au moins à des traditions israélites plus anciennes. Les Israélites n'étaient qu'une population cananéenne parmi d'autres, qui a d'abord été païenne avant d'« inventer » le monothéisme avec toute une collection de mythes qui furent mis en forme sous le règne de Josias pour fédérer son royaume et créer une unité nationale entre Israël et Juda, par opposition à leurs voisins et notamment à l'écrasant empire assyrien, qui a conquis le royaume d'Israël. Cette compilation n'a été possible qu'avec l’émergence d'un État fort en Juda au VIIIe-VIIe siècle ; avant cela, Juda était un petit royaume très insignifiant, et sa capitale Jérusalem une simple petite bourgade de montagne, selon ce qu'attestent les découvertes archéologiques récentes. Il est impossible qu'un document littéraire aussi élaboré ait pu voir le jour avant l'émergence de ces structures étatiques renforcées.


A l'entendre dire, tout cela semble très convaincant. Mais c'est plutôt une illusion d'optique qu'autre chose. Passons outre la méthodologie et la valeur intrinsèque des preuves, tâchons de considérer cette hypothèse dans sa logique propre pour en voir les faiblesses internes.


1- Des païens ont inventé le monothéisme, dites-vous ? Mais pourquoi diantre se limiter à adorer un Dieu distant, invisible, juge rigoureux qui ne laisse aucune fraude impunie, quand on peut s'attirer en tout facilité l'amitié de ces multiples divinités, qui elles ne nous demandent aucun compte de nos péchés intérieurs, ni même de notre vie morale d'une manière générale, et qui n'exigent de nous que des sacrifices charnels ? Pourquoi donc cette fantaisie, cette volonté de s'isoler et de s'affaiblir en se coupant des autres voisins païens ? Pourquoi cette « intolérance », pourquoi ces privations, dans un monde aux valeurs « d'ouverture » et d'hédonisme, comme se plaisent à la dire ceux qui veulent réhabiliter le polythéisme par opposition au rigorisme judéo-chrétien ?


Ces questions sont rhétoriques. La « triste » vérité, c'est qu'il n'y a aucune explication naturelle à « l'apparition » du monothéisme : elles ne sont toutes que pure fantaisie. Dans le livre, les auteurs se contentent d'attribuer cela à l'imagination féconde de ce petit peuple en mal d'identité. D'autre vous diront que le monothéisme est une étape du « progrès de l'esprit humain », avant le stade du rationalisme éveillé et de la divinisation de l'homme… Tandis que bien des siècles plus tôt, les plus grand philosophes (païens) que l'humanité aie jamais porté, ont réussi à comprendre, par la seule force du raisonnement, qu'il existait un être infini et éternel, distinct du reste de l'univers qui n'est que sa création, dont il est la cause première et l'intelligence ordinatrice. Sans cet être premier, impossible d'expliquer raisonnablement l'existence de l'univers. Ceci n'est pas affaire de foi, mais de raison uniquement : l'existence objective de Dieu est une vérité accessible à tout personne qui raisonne droitement sur le monde qui l'entoure.


Si ce petit peuple rustique et inculte s'est mis en tête d'adorer le même Dieu que celui des philosophes, c'est peut-être parce que ce Dieu s'est manifesté à eux d'une manière ou d'une, on pourrait le penser ! Toute personne de bonne foi sera forcée, à tout le moins, d'admettre cette possibilité et de chercher à savoir si oui ou non il y a eu Révélation.


2- Il est tout à fait possible, fort probable même, qu'une réécriture et qu'une compilation de la littérature israélite ait eu lieu sous le règne de Josias, en lien avec les nécessités politiques de l'heure présente. Un certain nombre de commentaires en attestent, comme ceux qui disent « ce lieu est encore visible de nos jours », ou « c'est de cet ancêtre qu'est sorti tel peuple ». Mais rien de cela ne remet en cause l'intégrité substantielle du récit biblique : les commentateurs et les compilateurs se sont contentés de le « moderniser », de remettre de la couleur sur des textes qui étaient trop anciens pour pouvoir être pleinement compris par les contemporains. Il est évident, Finkelstein et Liberman l'admettent eux-mêmes (c'est le comble !), que ces récits font dans l'ensemble allusion à des traditions, des contextes et des réalités culturelles beaucoup plus anciennes que celles du VIIe siècle. Les rationalistes disent « c'est un souvenir, c'est un écho d’événements anciens, qui s'est amalgamé à des créations contemporaines » ; les catholiques disent « c'est une remise en forme contemporaine d'un récit ancien, lequel est authentique et véridique, et n'a pas été altéré substantiellement par ces ajouts ». Qui est le plus susceptible d'avoir raison ? Peut-être ceux qui disent le moins d'absurdités philosophiques, et qui ne se sentent pas obligés d'occulter certains aspects du texte pour ne parler que de ce qui les arrange !


3- Car oui, parlons-en : on dit « les auteurs de la Bible mettent en valeur des figures telles qu'Abraham, Jacob, David, pour exciter l'orgueil national et mener à bien leur projet politique ». Si le but de la Bible est d'être une sorte de chronique nationaliste visant à fédérer un peuple autour de quelques figures héroïques, dans ce cas expliquez-moi donc pourquoi ces récits prennent la peine de mentionner les péchés et les dépravations des patriarches et du peuple juif dans son ensemble, qui se sont maintes fois rendu infidèle à leur Dieu ? On se serait bien passés de l'anecdote sur Juda qui couche avec sa belle-fille en la prenant pour une prostituée, et de son fils Onan qui a légué à la postérité le mot « onanisme ». Juda, le père de la tribu de Josias, tout de même ! On se serait bien passés de voir Salomon, le roi dont la sagesse et la droiture est vantée par delà les frontières d'Israël, finir par se ramollir au contact de ses femmes païennes au point d'adorer lui-même des idoles, lui le zélateur du vrai Dieu. Et que dire de l'attitude pitoyable des Hébreux dans le désert du Sinaï. Il faut croire que les prêtres juifs n'étaient pas des experts en communication politique... Normalement, un récit national est une belle épopée sans bavures, mettant en scène à la fois des figures individuelles exemplaires, et un peuple aux réactions unitaires et héroïques, face à un ennemi extérieur sans foi ni loi. Ce récit là met en scène une flopée d'estropiés et d'ingrats, un « peuple au cou raide » et au cœur dur, enclin à la division et à la querelle, qui ne trouve son salut in extremis que dans son recours à ce Dieu au visage sévère qui toutefois ne manque pas de recueillir avec miséricorde les supplications des cœurs contrits et humiliés. Les « héros » de la Bible ne tirent leur gloire et leur éclat que d'une seule et unique chose : leur soumission à Dieu. Voilà que l'on nous dit alors : « c'est une histoire reconstruite visant à accréditer une certaine position théologique ». Mais il faudrait savoir ! Le but de la Bible est-il de légitimer les aspirations politiques du royaume de Juda, ou d'exciter le peuple israélite au culte du vrai Dieu ? Il y a une contradiction manifeste à dire « c'est les deux à la fois » : à la fois, il faut exciter l'orgueil national et montrer les gloires de passé, tout en disant à chaque ligne « vois, Israël, comme tu ne peux rien faire par tes propres forces, comme tu es une nation vile et méchante dès que tu t'éloignes de ton Dieu, ton Créateur à qui tu dois tout » ? Aucune histoire nationale, ni aucune histoire royale (exaltant une dynastie particulière) ne s'écrit d'une telle manière. Si l'on a un peu de jugeote, on comprend rapidement que le protagoniste principal des livres historiques de la Bible, ce n'est pas le peuple juif : c'est Dieu.


4- Une dernière chose. Vous dites que le royaume de Juda, cette petite principauté insignifiante perchée sur les collines rocailleuses de l'extrême-sud de Canaan, vassale de l'empire assyrien, a pris la peine de compiler ou d'inventer de toute pièce la première et la plus imposante somme historico-théologique de l'histoire de l'humanité, qui fut amenée à exercer pendant plus de 2600 ans une fascination universelle, tout cela dans l'unique but d'exciter un nationalisme panisréalite qui permettrait à Juda de récupérer la Samarie et la Galilée et de s'émanciper de la tutelle assyrienne ? Allons, soyons raisonnables un instant.


Que dirions-nous de ceci : le peuple basque, nation fière et indépendante, se trouve pris en tenaille entre la France et l'Espagne. Voilà que le pays basque est partagé en deux. Le pays basque français, qui ne fait qu'1/4 du total, est plus indépendant que le versant espagnol qui a eu à souffrir de la répression autoritaire castillane. La résistance basque s'organise à Ustaritz : le roi Bixente Etchegoyen réunis tous les prêtres de Soule, de Basse-Navarre et de Lahourd, dans le projet d'écrire une monumentale histoire nationale qui permettra d'appuyer les revendications de Bixente sur la Biscaye et le Guipuscoa, et de raviver la ferveur des frères basques d'outre-pyrénées qui sont en train de s'hispaniser à toute vitesse. On ne se gênera pas au passage pour salir la réputation des voisins Béarnais, en disant qu'ils descendent d'une relation incestueuse. Pour l’occasion on invente une nouvelle religion, avec un nouveau dieu, en faisant croire que ce dieu a toujours été en culte parmi les basques qui sont un peuple très ancien et très différent des autres. On fera croire que les Basques sont des héros grecs exilés après la prise de Troie, qui ont traversé la Méditerranée à la faveur d'un miracle  : allons-y, plus c'est gros, plus ça passe ! Avec cette glorieuse épopée nationaliste, on espère pouvoir fédérer le peuple basque et vaincre à la fois les Français et les Espagnols. Le glorieux David Etchegoyen sera montré en modèle de roi vertueux, on insistera sur le fait que Bixente est un nouveau David. Le récit a été tellement bien écrit que plusieurs centaines d'années plus tard, alors que les revendications de Bixente ont lamentablement échoué et que le pays basque a été définitivement châtié et annexé, voilà que la moitié de l'Europe, Français et Espagnols compris, croira qu'il dit la vérité et rendra un culte au dieu des basques. C'est grotesque, vous trouvez ? Pourtant c'est à peu près ce que les savants modernes, hommes de science et de raison, disent à propos de l'origine de la Bible.


On en arrive à dire des choses absurdes quand on se refuse à considérer la Bible comme autre chose qu'une fiction politique saupoudrée de justification religieuse. D'une part il est clair que Dieu tient le premier rôle dans ces récits historiques, d'autre part il est également clair que les faits relatés sont loin d'être toujours à l'avantage des Hébreux et de leurs rois. Plus encore, il est absurde de penser qu'un si petit royaume ait pu développer des ambitions politiques et terrestres aussi démesurées, à moins que l'on se résolve à voir derrière ces ambitions un but principalement et exclusivement religieux, une cause surnaturelle. Pourquoi ce ne seraient pas plutôt les Assyriens, les Égyptiens ou les Babyloniens qui auraient écrit une Bible pour glorifier leurs réalisations et justifier une hégémonie mondiale ? L'histoire a englouti pendant des siècles ne serait-ce que le souvenir des Babyloniens, pourtant elle retient encore le testament politique et religieux de ce petit peuple, faible et isolé, qui a façonné de manière irrévocable la foi et la mentalité d'une bonne moitié de l'humanité. Si l'on veut trouver des explications rationnelles à ce phénomène, il ne suffira pas de se dire que la Bible est « bien écrite » ou que ses zélateurs se sont montrés habiles à faire boire leurs mensonges. Si l'on voudra bien considérer l'existence d'une entité éternelle et incréée, Dieu, dont il est impossible de connaître précisément la volonté à l'aide de sa seule raison, la perspective d'une Révélation pourra résoudre beaucoup de contradictions et d'impasses quant à la nature et à la portée de cet ensemble textuel. Qui habes aures audiendi, audiat ; « Que celui qui a les oreilles pour entendre, entende » !

Titiwilly
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le 22 janv. 2017

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