Si je ne t'avais pas...

Alors que dans les années 1990, Disney écrase tout le monde par sa maitrise de l'animation, un nouveau studio parvient à s'émanciper, avant de conclure un accord de coproduction avec Disney, à savoir Pixar. Après trois films tous réalisés par son co-créateur John Lasseter, dont le fantastique "Toy Story", la réalisation du quatrième film, "Monstres et compagnie" (2001), est confiée à un petit nouveau, Pete Docter (en coréalisation avec les Unkrich et David Silverman) jusqu'alors scénariste et storyboarder sur les précédents films.

A Monstropolis, ville remplie de différentes créatures, les coupures de courant sont en augmentation à cause d'une pénurie d'énergie. Cette énergie est puisée à partir des cris d'enfants humains, grâce aux courageux monstres qui acceptent de faire face aux enfants, qui sont hautement toxiques et dangereux, au sein de la société Monstres & Cie, dirigée par Monsieur Waternoose. Parmi ces monstres se trouvent Jacques Sullivan, dit Sully, considéré par toute la ville comme le meilleur des "tireurs d'élite" et assisté par son meilleur ami Robert Razowski, dit Bob, et son grand rival Léon, avec qui ils se disputent le grand record de terreur. A la suite d'une tricherie ce dernier, Sully fait la rencontre d'une petite fille qui entre dans leur monde. D'abord effrayé, Sully va développer une jolie amitié avec la petite fille qu'il surnomme Bouh, mais les dangers sont partout et le secret de Monstropolis doit-être préservé...

John Lasseter a décidé d'élargir le champ des réalisateurs chez Pixar, et confie ainsi le premier film qu'il ne réalise pas lui-même à Pete Docter, et il n'aurait pas pu faire un meilleur choix. Ce dernier démontre déjà toute l'étendue de son talent, grâce à une imagination admirable, un scénario excellent et des idées de mise en scène magnifiques. Décider d'inverser le constat selon lequel les enfants ont peur des monstres, et faire en sorte que ces derniers soient effrayés par les enfants est une idée qui peut paraitre étrange, mais qui est aussi très amusante et bien pensée. Cela montre que nos peurs d'enfance ne sont rien dés lors qu'on se montre courageux, et curieux et ouverts sur les autres.
Le film est excessivement drôle, avec un humour à la Pixar (et en particulier de Pete Docter) toujours efficace, mélangeant gags visuels, expressions étonnantes et jeux de mots excellents. Au-delà de son humour, le scénario apporte comme souvent sa part de tendresse et d'émotion, notamment à la fin du film lors d'une scène entre Sully et Bouh.

Les idées de mise en scènes sont pleine de maturité pour un réalisateur aussi jeune. Le cadre est toujours beau, très coloré, que ce soit au niveau du design de chacun des monstres présents à l'écran, ou des décors, très agréables à voir (cela concerne notamment la scène dans le monde des portes des chambres d'enfant vers la fin du film). Le film n'est pas très long, donc il est rythmé, on ne s'ennuie jamais.
Aussi, Pete Docter en profite pour placer quelques critiques : en effet, le film se passe dans une société, donc il en profite pour critiquer le fonctionnement de celle-ci, notamment avec un patron prêt à tout pour faire des bénéfices, ou encore les relations inégalitaires et/ou rivales entre les salariés, etc. Il démontre également que nos peurs peuvent toujours disparaitre grâce à notre courage et notre bonne volonté.

La musique, composée par Randy Newman, est excellente. Elle permet notamment de nous offrir l'un des meilleurs génériques de film, avec une musique cultissime, ainsi que des scènes d'une grande émotion pendant le film. Par ailleurs, la chanson "Si je ne t'avais pas", interprétée par Sully et Bob dans le générique de fin, est excellente (elle a été récompensée par l'Oscar de la Meilleure chanson originale en 2002).
Par ailleurs, le doublage est excellent : en langue française, on peut notamment penser au regretté Jacques Frantz, grand doubleur de cinéma et qui interprète Sully magnifiquement, et Eric Métayer, qui double Bob à la perfection, mais aussi à certains doubleurs de personnages secondaires, comme Dominique Collignon-Maurin (qui commence à s'habituer aux rôles de méchants), l'éternel Richard Darbois ou encore Claire Keim.

"Monstres et compagnie" est un film maitrisé, mature et intelligent, et drôle et touchant. Il a suivi toute mon enfance et je peux clairement affirmé qu'il est mon film Pixar préféré. Il a permis à Pixar d'exploiter des thématiques nouvelles, d'ouvrir de nouvelles perspectives et à participer à l'émancipation de ce fabuleux studio d'animation (pour la petite histoire, "Monstres et compagnie" a été nommé en 2002 pour la première remise de l'histoire de l'Oscar du Meilleur film d'animation, et l'a perdu face à "Shrek"...). On a tous des films qui nous ont marqué pour une raison ou pour une autre. Personnellement, "Monstres et compagnie" est l'un des films de mon enfance, il m'a touché à jamais, et il m'a aidé, en partie, à me construire, et à me faire apprécier le cinéma. Et que ce se passerait-il, "si je ne t'avais pas..." ?