L’intérêt certain que présente Morbius dans le paysage désolé du blockbuster contemporain tient à la présence, derrière la caméra, de Daniel Espinosa : le réalisateur confère au personnage une noirceur véritable qui puise dans l’imagerie horrifique avec, au passage, de nombreuses références au cinéma d’épouvante, des films de vampire et de loup-garou à la The Wolfman (Joe Johnston, 2010) jusqu’aux récents Light Out (court et long métrages conçus par David F. Sandberg), dont l’influence s’exprime ici par les interruptions de la lumière dans le couloir d’un hôpital.
Outre ces influences, Espinosa intègre Morbius dans son petit univers artistique mêlant la fascination pour un mal clinique qui échappe au contrôle – thématique abordée par Life (2017) – et une peinture de l’homme enfermé, bloqué, cloîtré, qui va tout faire pour recouvrer une liberté illusoire – thématique abordée par Safe House (2012) ; il les synthétise en ce scientifique devenu un monstre conscient de lui-même et des crimes qu’il commet pour survivre, sorte de prolongement offert à Child 44 (2015).
Ce goût pour l’obscurité et la mort distingue cette production étiquetée Sony et Marvel du tout-venant des produits actuels que l’on voit s’écouler sur le marché ; elle n’en demeure pas moins prévisible, desservie par des effets spéciaux envahissants qui ne valent pas les prothèses des œuvres de la Hammer, par des personnages secondaires inexistants et par un Jared Leto plus convaincant en créature hybride numérique qu’en acteur de chair et d’os.