Mother! n’est pas un film à mettre devant tous les yeux. Il divise et rassemble, répugne et attire, intrigue et ennuie. C’est une expérience de cinéma sémiologique, si ce n’est unique, au moins remarquable. Un vrai film d’auteur au sens propre.
« Mother ! » est un plat de tripes. Assez dur à regarder, encore plus à digérer. Je vous le conseille pourtant, car après réflexion, il s’inscrit dans l’une des expériences de cinéma à vivre.
C’est un film-métaphore qui, de mon point de vue, nécessite une clé de lecture avant visionnage. Sans rien spoiler, si vous ne deviez avoir qu’un indice, il vient directement de la bouche du réal : «
Le titre « Mother ! » ne fait pas référence aux mères en général mais à LA mère, celle qui est sous nos pieds, la Terre mère, la mère nourricière ».
Sans cette clé, vous vous retrouverez à coup sûr perdu dans les méandres d’une histoire absconse et absurde, entre ces personnages aux actes aussi anormaux que dérangeants, jusque dans cette improbable dystopie finale.
Tous les éléments, que ce soit, le scénario, les personnages, les dialogues, les lieux ou les objets, TOUT a une référence symbolique. L’ensemble n’est que métaphore et paraboles pouvant avoir plusieurs significations.
Leurs interprétations sont aussi nombreuses que les thèmes qu’ils abordent : la religion, l’écologie, l’histoire et la nature humaine…
C’est justement là que le film divise : à partir du moment où le spectateur comprend que tout n’est que métaphores, l’intrigue, qui au début s’apparente à une sorte de thriller à la « Funny Games » en devient secondaire, inintéressante pour disparaitre complètement. Seul compte l’interprétation de tout ce qui se passe à l’écran. Que symbolise ce personnage ? Cet objet ? Ce regard ? CE TRUC SUR LA COMMODE LÀ ! Ah, non c’est juste un bouquin. MAIS CE BOUQUIN SYMBOLISE PEUT ÊTRE LA BIBLE ! Bref. Je vous livrerai mon interprétation perso en fin de critique si cela vous intéresse. Sinon, je vous invite cordialement à aller vous faire cuire le cul ????
S’en suit une chasse aux trésors, qui anéantit tout intérêt pour l’intrigue de base. Même les scènes les plus hardcores (si vous l’avez vu, vous savez de quoi je parle) s’adoucissent lorsque vous saisissez que tout ce que l’on voit à l’écran n’est qu’une métaphore, aussi grosse que deux John Goodman. C’est pour dire…
Mother ! Est un film à l’esthétisme travaillé et heureusement. Quand on veut représenter autant de symboles, il est indispensable de bien les représenter à l’écran sous peine de fracture ouverte de la rétine.
Au delà du fait qu’il s’agisse d’un huis clos, la réalisation est anxiogène au possible. Si vous aimez Jennifer Lawrence vous serez servis jusqu’à l’épuisement : Elle apparaît 66 minutes sur 122 en gros plan. Les plus matheux d’entre vous l’auront compris : plus de la moitié du film. Si vous ne l’aimez pas, passez votre chemin au risque de vous retrouver gavé comme un canard avant le nouvel an.
Concernant le jeu d’acteurs, nous sommes servis : de Javier Bardem en mari écrivain (TRÈS) étrange à Ed Harris, un pied dans la tombe en passant par Michelle Pfeiffer délicieusement détestable, tout est constamment en nuances, laissant libre court aux secondes lectures. Aucune fausse note de ce côté là. Ouiouiouiouioui, comme dirait Julien Lepers.
Ais-je aimé « Mother ! » ? Après quelques jours de visionnage, je ne sais toujours pas quoi répondre à cette question. Est-ce un bon film ? Oui, sans conteste. Qu’est-ce qu’un bon film ? Regardez les vidéos de Karim Debbache, c’est un ami (mais il ne le sait pas encore).
Dans tous les cas je vous le conseille pour l’inévitable traque sémiologique qui vous tiendra en haleine et pour les débats houleux qui en sortiront. En bref, vous pourrez vous la péter en société comme un bobo dans une boutique de graines.
L’une de mes interprétations, à la louche :
A partir d’ici, si vous ne l’avez pas vu, je vais vous laisser quelques lignes pour aller voir le film et revenir à cette critique plus tard.
C’est bon ? On peut y aller ? Vous avez fait vite.
Comme précisé au début, Jennifer Lawrence incarne Mère Nature, la fécondité, l’inspiration (dit à plusieurs reprises dans le film), la vierge Marie. Elle fait de la Terre un paradis en retapant entièrement la bicoque, isolé dans l’univers.
La maison est donc la Terre, le sous sol : l’Enfer, avec son four. Les étages : le Paradis. Le bureau est d’ailleurs appelé Paradis plusieurs fois.
Javier Bardem peut représenter Dieu ou le Diable. Il ne sait plus quoi créer jusqu’à ce que le premier homme arrive et lui redonne sa joie de vivre. Le livre qu’il parvient à écrire étant insérer un livre sacré Il est vénéré, il est le seul qui survit à l’Apocalypse pour reconstruire un nouveau monde.
Ed Harris et Michelle Pfeiffer sont Adam et Eve, leurs fils Abel et Caïn (qui s’entretuent). Michelle Pfeiffer est la tentatrice, elle touche et brise l’objet en crystal qui se trouve dans le bureau (donc dans le Paradis) : la pomme.
Le film aborde à maintes reprises l’histoire de l’Homme à travers les religions, leur absurdité, leurs guerres futiles et inévitables lors de l’épisode final, des affrontements pour leur Dieu et de la violence fanatique.
L’invasion de la maison représente donc les hommes s’incrustant sur terre pour s’en emparer, la détruire.
Petit passage dégueu du bébé mangé par ses adorateurs (coucou Jésus, ceci est mon corps, tout ça…)
Mère Nature se rebelle au dernier moment, alors que tout espoir est perdu, la nature meurt pour mieux revivre ailleurs. (Sur une autre planète ?)
Après la phase de transformation en huis clos dystopique anxiogène puis l’Apocalypse, le cycle de la vie reprend son cours avec une autre nature.