Niquer sa prof quand ses parents ne sont pas là, on l’a tous fait

C’était sympa.


Parfaitement mineur dans la filmo de son auteur, en particulier en comparaison de sa tétralogie judiciaire des années 50, mais sympa.


Dommage que Bruno Pradal fasse bien plus que les 16 ans de son personnage (et pour cause : il en avait 21 au moment du tournage !) et qu’il faille en conséquence se faire violence au début du film pour accepter que ce grand gaillard barbu puisse bien être le lycéen dont il est question dans ce scandale, mais, fort heureusement, ce décalage ne s’avère finalement gênant que le premier quart d’heure de ce Mourir d’aimer, puisqu’ensuite ledit scandale s’amorce, et qu’avec lui le film décolle. L’idée est alors acceptée sans rechigner, l’urgence du drame t’embarquant. Pour virer à la tragédie insupportable…


Insupportable parce que tu le sais toi, en tant que spectateur du film, que cette relation n’est pas abusive, et que cette malheureuse prof n’a pas ensorcelé ce brave lycéen, pas plus qu’elle n’exerce sur lui une emprise perverse ou abusive… Cayatte ne te laisse pas en douter, le sujet n’étant pas ici de déterminer si leur amour est bien partagé, sincère et éclairé : tu sais qu’il l’est, et tu sais qu’il n’y a aucune victime dans cette relation… mais tu sais aussi qu’en France ce n’est pas (complètement) la fête, que des lois existent pour protéger les mineurs, et que ces lois sont faites pour être respectées.


Et du coup, si tu as sincèrement envie que l’on foute la paix à ces deux sympathiques amants, tu comprends aussi l’acharnement des fonctionnaires et magistrats, qui après tout ne font que leur taf – et pour qui les deux amants en question sont de parfaits inconnus et simplement un dossier parmi les autres… comme tu comprends l’acharnement des parents, pour qui cette relation ne peut être qu’abusive et l’idée que leur fils puisse être dévoyé par une adulte absolument insupportable. Pas sûr que je me montre beaucoup plus philosophe qu’eux si je me trouve un jour à leur place (et je parle même pas du cas où ce ne serait pas mon fils, mais ma fille qui se ferait niquer par un prof).


Et c’est justement parce que ces oppositions judiciaire et parentale apparaissent légitimes dans leur persécution et leur folle dépense d’énergie à séparer ces deux êtres – de toute évidence « mûrs » et consentants –, cela face à la détermination sans faille de ces amants à s’aimer contre plus forts qu’eux, alors que cette voie est et ne peut être qu’une impasse, que le film fonctionne. Parce que dans ce film comme dans beaucoup de ses autres, Cayatte met le doigt sur une zone grise, sur un angle mort de la justice française, pour mieux dénoncer la cruauté et l'inhumanité de notre appareil judiciaire si prompt à écraser les êtres humains (sa fé réfléchir). Parce qu’une fois de plus, il embrasse le désespoir des condamnés réduits à l'impuissance pour nous ferrer… jusqu’à son magnifique plan final (qui évoque celui de son génial Retour d’Emma vingt ans plus tôt – on aime).


Bref. C’est sympa, quoi. Juste révoltant ce qu’il faut pour cogiter sainement dans son pieu ensuite.


Et dire que, cinquante ans plus tard, plutôt que martyre de la justice française, la même prof aurait fini Première dame… (oups je l’ai dit)

ServalReturns
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le 6 avr. 2023

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