James, le temps de mourir pour un héros moderne se résume au permis de tuer et à une vodka ? Non !

Comme chaque année qui se respecte, je me regarde mes James Bond d'été.

J'ai donc regardé le classique « Goldfinger », le 007-espionnage « Au service secret de sa majesté », le requin sicilien « L'espion qui m'aimait », le racé walkenien-duranien « Dangereusement vôtre », le daltonien « Tuer n'est pas jouer », le 'petit- « Goldeneye »' « Demain ne meurt jamais » et l'honorable hommage « Spectre ».

« Mourir peut attendre », qui a atteint un budget record puisqu'il s'agit du James Bond le plus cher, marque la clôture de ma saga-007 d'été. Et quel final puisqu'il s'agit du Bond le plus long (plus de deux heures et demie).

Non, vraiment, « Mourir peut attendre » n'est pas un James Bond. L'on peut attendre, oui, très longtemps même, mais cet objet, digne à ranger au troisième sous-sol, n'a pas la grâce, ni la légèreté d'un James Bond.

Ca commence par la mythique ouverture digne d'un James Bond en bonne et due et forme lorsque la vue du Walther PPK sur le monde extérieur et les pas de James Bond marchant vers le viseur n'est en aucun cas mise en valeur par la mise en scène qui s'ouvre directement sur la forêt enneigée norvégienne. Où est passé 007 et son calibre si virevoltant de la période Sean Connery-Roger Moore ? D'ailleurs, quid de la bande-son d'ouverture qu'on entend à peine ? Sur ce point, j'y reviendrai plus loin.

Cette intro, d'à peine une minute, donc ce fameux gun-barrel, en dit déjà long de la mixture concocté par Cary Joji Fukunaga, réalisateur (de la saison une de la série « True detective ») dont on n'a ici pas envie de se souvenir de son nom une fois le film terminé, qui ne met clairement pas d'empreinte sur sa mise en scène.

Oui, nous parlons mise en scène, donc allons y !

Que se passe-t-il au compteur ? Si Sam Mendes, l'esthète des « Sentiers de la perdition » et de « 1917 », nous prouve avec « Skyfall » et « Spectre » qu'il en a sous le capot, « Mourir peut attendre » laisse carrément planer le doute.

Oui, Sam Mendes a stylisé James Bond (« Skyfall » peut en témoigner à deux cent pour cent !), mais ici, le calme est plat, même avec la poursuite finale (voitures, hélico et tutti quanti) totalement improbable qui voit des voitures surgir de tous les côtés et en même temps (au passage, redite de la première poursuite en Italie lorsque Bond est poursuivi par l'organisation Spectre par toutes les voitures qui l'encerclent). De plus, lorsque Bond est cogné deux ou trois fois, il y a sifflement et cela retarde l'action et a ainsi pour effet de nous mettre KO. Pourquoi ? Alors que l'on sait que James Bond est d'ordinaire increvable ? Et qu'il s'agit de sa marque de fabrique, dixit le fameux premier 007 « James Bond contre Dr No ». Cela a non seulement pour effet de distancier l'action du film pour mieux nous poser mais aussi de nous dire qu'il faut nous immerger dans l'action. Dans ce cas-là, qu'il n'y ait pas de temps mort et que l'action, les courses poursuites, les corps-à-corps, bref, tout ce qui fait l'esbroufe d'un James Bond sonne juste. Ici, pas un tir de pistolet sans un effet de ralenti. OK, « Matrix » est passé par là, mais à un moment donné, quand faut y aller, faut y aller. N'est ce pas messieurs Wachowski... ?

L'esprit James Bond s'est ici envolé pour mieux nous poser certes devant un film, mais plus devant un James Bond qui a ici cassé son icônisation en une mélodie funeste et irrémédiable.

Un enchantement désanchanté. Ô misère...

Nous ne sommes en effet plus devant un James Bond car ici, il n'y a plus de 'générique James Bond'. Une chanson qui n'apporte rien, qui s'oublie une fois le générique passé (au passage, désolé Billie Eilish) ainsi qu'un générique qui oublie de faire la part belle aux femmes (qui représentaient le point faible et l'atout cœur de James Bond) ainsi qu'aux armes à feu.

Comment oublier le « Goldfinger » de Shirley Bassey ? Son « Diamonds are forever » ? « For your eyes only » ? « Live and let die » de Sir McCartney ? « The man with the golden gun » de la fameuse Lulu ? « A view to a kill » de Duran Duran ? Le mythique « Goldeneye » de Tina ? Le désormais cultissime « I guess die another day » de Madonna ? (je vois déjà vos lèvres sourires à cause de son coup de gueule qui lui a valu une apparition dans ce « Meurs un autre jour »).

Oui, il y a des exemples en pagaille, mais dans tous les cas, la légende James Bond se forge grâce à ce générique. Et à une voix qui porte ce générique tel James Bond a l'esbroufe d'un séducteur, misogyne et qui tire des vannes à tire-larigot.

Puisque nous en sommes à la musique, comment un grand compositeur comme Hans Zimmer a pu saccager un tel mythe, celui de James Bond 007 ? Comment l'Oscarisé du « Roi lion », le guide de « Rock », le fer de lance de « Gladiator », ... a-t-il pu se débarrasser et dépouiller le rythme que même David Arnold avait réussi à électriser ? Pourquoi un tel dépouillement ?

Dans un James Bond, n'avons nous pas droit à une vodka martini au shaker et pas à la cuillère ? Et dans ce cas là, pourquoi la cuillère d'un des meilleurs music-makers des 90's et 2000's (« Rain man », « Thelma et Louise », la trilogie Batman de Nolan, ...) est-elle si vide ?

J'ai eu l'impression d'assister à un film avec excès d'effets de sons ou manque total de 'musique James Bond'. De plus, on attend constamment la fameuse 'rythmique James Bond' à chaque course-poursuite, chaque corps-à-corps... . En tout et pour tout, on doit l'entendre deux fois. Et même pas dans le générique final ! C'est dire ma déception sur ce point, tant j'attendais cette vitalité alliée aux vrombissements des bolides, hélicoptères et avions supersoniques en tout genre. L'on est loin, certes, d'un « Moonraker » (et d'une Shirley Bassey par la même occasion -oui, elle a chanté trois fois pour James Bond et je la remercierai encore toute ma vie !!-) totalement extravagant, mais depuis que John Barry et David Arnold ont quitté le commandement du MI6, on peut dire que les musiciens ont pris un sacré coup de torpille dans la figure (n'en déplaise au magnat de la presse Jonathan 'Carver' Pryce) !

Ou alors Hans Zimmer n'est plus le Hans Zimmer que je connaissais. Tout simplement. C'est dire comme quoi le génie de ce compositeur s'est ici évaporé tel Sean Connery l'avait fait dans « Rock », mais de façon plus admirable... eh oui !

Zimmer n'est il plus Zimmer ? Voilà mes certitudes qui tombent en trombe... !

Et que dire de ce générique final ? Doit on faire appel à Louis Armstrong de « Au service secret de sa majesté » pour tenter de combler un générique qui n'en finit pas ou bien pour montrer qu'il s'agit d'un autre drame qu'a vécu le personnage ? N'aurait pas t-il été plus judicieux de prendre le thème musical de John Barry du dernier film cité (l'instrumental du générique d'intro) pour montrer à quel point James Bond n'est pas un orphelin comme les autres ? Piètre consolation mais consolation quand même. Une demie vodka de bue : c'est déjà ça.

Et comment passer à côté de ce scénario ?

Ok, le dernier virus est passé par là, et les scénaristes (Neal Purvis et Robert Wade sont ici rejoints par le réalisateur lui-même et l'assistante Phoebe Waller-Bridge -qui n'est autre qu'une actrice de théâtre qui a porté son projet « Fleabag »-) n'ont pu passer à côté de ce sujet. Mais alors, pourquoi expliquer l'inexplicable ? Pourquoi inventer une arme sous contrôle qui peut devenir une arme de destruction massive ? Et pourquoi James Bond, dans ce final aussi nucléaire soit il, ne peut il le vaincre ? Mourir peut attendre, d'après le titre du film... et même vraiment attendre. Normalement. Mais pas pour les scénaristes.

Et puis comment passer à côté de cette romance (on nous achève, ce n'est pas possible !) et de ce final avec la formule des contes pour enfants « il était une fois... » ? D'autant que la cerise sur le gâteau, le pompon !, c'est James Bond qui devient papa. Mais comment imaginer ça ? Normalement, James Bond a une mission, et il l'exécute. S'il la rate, c'est pour tuer davantage de méchants dans l'opus suivant. Ici, nada ! Non, ici, James Bond est devenu protecteur. Un comble ! En plus, ce n'est même pas l'increvable Terminator/Schwarzenegger. Cherchez l'erreur ! ...et le ou les coupable(s).

Rajoutons aussi que si l'on suit le scénario, l'agent 007 devient femme....... . J'ai l'impression que le mouvement metoo est passé par là et que les producteurs (la fille Broccoli et Michael G. Wilson) ont dû s'aligner sur le tir féministe de notre époque. Triste époque me diriez vous.

Et triste époque pour ce scénario complètement indigent d'un James Bond.

Alors oui, il y a eu des 'scénarios James Bond' politiques. Dans le désordre, souvenons nous de « L'homme au pistolet d'or » avec la crise électrique (1975-1976), « Les diamants sont éternels » avec le cour de change des diamants (1969-1970), « Le monde ne suffit pas » et les effondrements immobiliers/banquiers mondiaux (2007-2008).

Mais jamais James Bond ne sera une femme ! N'oublions pas que James Bond est né de la plume de Ian Fleming et a été adapté pour la première fois à l'écran en 1962 pour mieux révolutionner le film d'espionnage des 60's et qu'il s'agit d'un espion anglais qui suit les manigances de mégalomanes qui veulent détruire le monde en déclarant la guerre ou aux États-Unis ou à la Russie (en tout cas, au cinéma).

Donc qu'on ne me dise pas qu'il y a un prochain James Bond qui sorte au cinéma : « Mourir peut attendre » est, dans ce sens, l'ultime épisode de la saga James Bond. A moins que James Bond n'y sur****. Ca, c'est une autre affaire à suivre.

Mais dans quoi se sont vautrés les scénaristes ? A rien n'y comprendre... !!

Ce qui reste à sauver, c'est Daniel Craig dans le rôle du Commandeur Bond. Vous l'avez compris, même le casting n'est pas à la hauteur !

Le méchant (Rami Malek -oscarisé pour sa partition de l'inoubliable Freddie Mercury de « Bohemian rhapsody », c'est grâce à Tom Hanks s'il a percé au cinéma-) n'est en fait pas le vrai méchant, Léa Seydoux (Bonello, Tarantino, Ridley Scott, Raoul Ruiz, Woody Allen, Kechiche et Dolan l'ont pourtant dirigés !) a toujours le charisme d'une moule depuis « Spectre », Christoph Waltz (l'émigré tarantinesque a aussi joué pour Polanski sur « Carnage ») fait le minimum syndical en syndicat du crime à l’œil en or et sans son chat préféré (Telly Savalas, Charles Gray, Donald Pleasence, et même Max von Sydow me comprendraient bien évidemment), et les acolytes de Bond (Ralph Fiennes, Naomie Harris et Ben Whishaw -pourtant d'habitude bien meilleur, voir leur filmographie respective pour ne pas en douter-), l'équipe du MI6, sont à la ramasse.

Seul Jeffrey Wright (figure du cinéma des 90's-2000's pour avoir incarné le peintre Basquiat et tourné pour Michael Mann, Jim Jarmush, M . Night Shyamalan...), l'ami bondien Felix Leiter, sort du lot et semble être l'atout pour que James Craig sorte de sa retraite de pêcheur pour tuer son ennemi de toujours, l'enfermé et minimaliste Christoph Blofeld.

Oui, Craig endosse très bien le costume de l'agent double zéro et c'est sans peine que Daniel Craig s'impose dans ce qu'il a dit être son ultime mission pour le MI6 (sa cinquième interprétation de l'agent double).

Cary Joji Fukunaga (metteur en scène du film de gangsters « Sin Nombre » -qui a mis Hollywood à ses pieds-) a dirigé, ou peut être faut il dire Daniel Craig a très bien porté « Mourir peut attendre »(il est aussi co-producteur) et il faut s'en réjouir car même s'il n'a pas été selon moi le meilleur James Bond du cinéma, il aura été le ratage complet de la saga.

Petit point James Bond, du point de vue de l'acteur qui a porté les traits de 007.

Il y aura eu l'ère révolutionnaire Connery (au passage, paix à son âme) avec la seule incursion de Lazenby pour un service rendu, l'ère flamboyante et extravagante Roger Moore (idem, reposez en paix), l'entre-deux avec l'âme vengeresse de Timothy Dalton, l'ère Brosnan (avec l'inévitable « Goldeneye ») et l'ère Craig (dont « Skyfall » en est l'éclosion et le point d'orgue) qui scelle définitivement le statut de héros que lui ont conféré Connery, Lazenby, Moore, Dalton et Brosnan.

C'est donc avec un constat amer et sans vodka que se termine ma critique.

Que ceux qui aiment le Bollinger, les gunfights, les corps-à-corps et les courses-poursuites à la Rémy Julienne se consolent, une Aston Martin DB5 vaut bien une Shirley Bassey !

« No Time To Die » (finalement sorti sur les écrans en octobre 2021), vingt cinquième opus officiel des aventures de 007 qui a vu Danny Boyle démissioné en cours de projet, restera ce blockbuster moderne brûlé -à la Christopher Nolan (je pense bien sûr à l'infame « Tenet »)- et au carburant bondien douteux voire carrément raté.

Note James Bond : 4 étoiles sur 10.

Spectateurs, votre permis de tuer est définitivement rompu !

brunodinah
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le 2 sept. 2022

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brunodinah

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