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Jeff Nichols m'avait fait forte impression avec Take Shelter, et j'avais donc vu Mud à sa sortie avec un engouement non feint, pour découvrir un film qui se révèle aussi solaire que l’autre était orageux. Par une histoire simple, le cinéaste livre une œuvre résolument belle et douce-amère, qui fait de l’amour son moteur.


Ellis et Neckbone, les deux adolescents superbement interprétés par un tout jeune Tye Sheridan (Ready Player One) et Jacob Lofland, cherchent à comprendre les relations adultes qui régissent leur vie. C’est par la rencontre de Mud (McConaughey alors en pleine résurrection de sa carrière) qu’ils vont établir leur opinion sur ce concept galvaudé de l’amour. Car Mud est une figure romantique fantastique, qui apparaît et disparaît sans laisser de traces, dont les préceptes sont bardés d’ésotérisme, et qui possède sa propre iconographie mythologique : son flingue et sa chemise. Le lieu de leur rencontre est lui-même onirique, une île fantasmatique où les bateaux poussent sur les arbres, les serpents rôdent par centaines dans la fange qui n’attend que les colériques imprudents, et que le monde réel ne peut atteindre. Il faudra que Mud se rende sur le continent pour que toutes les illusions soient balayées et le surnaturel avec, et un retour à la rivière grâce à l’aide d’un Charon sortant l’amoureux des eaux du Styx pour l’emmener vers son avenir, détaché d’un amour impossible.


Un amour impossible car complètement détaché de tout réalisme. Les ramifications terre à terre des actions de Mud, qu’il ignore, isolé qu’il est sur son îlot, ne peuvent résolument convaincre Juniper de connaître la destinée des amants de Vérone. Leur relation est condamnée, le pragmatisme l’emportant sur le romantisme. Mais si cet amour passionnel ne peut bourgeonner, il permet à Ellis et Neckbone de faire fleurir l’amour filial et fraternel qu’ils pensaient absents. Perdu pour l’un, retrouvé pour les autres.


Mud m’avait marqué à sa sortie, et continue d’avoir cet effet réjouissant douze années plus tard. Une tragédie magnifique portée par un réalisateur qui s’approprie le mysticisme pour raconter les relations humaines, par des acteurs qui campent des personnages sublimes, et par une imagerie douce et mélancolique comme un blues du bayou.


Frakkazak

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