C’était une famille ordinaire, qui vivait simplement, normalement. Un divorce faillit mettre en branle cet équilibre né avec le petit Nic, mais rien ne pouvait entacher la relation entre ce père et son fils. Même les années ne semblait pas l’éreinter, jusqu’à ce qu’un invité indésirable vienne chambouler leur destin : la drogue. Le cauchemar commence, et dans la brume morbide qui s’épaissit, on perd nos repères. Where is My Beautiful Boy ?


Ma connaissance du cinéma de Felix van Groeningen est proche du néant, pour ne pas dire nulle, ce qui m’a permis d’aborder My Beautiful Boy sans a priori. C’est également l’occasion, pour moi, de découvrir Timothée Chalamet dans un rôle important, faute d’avoir vu Call me by your name et ne l’ayant que brièvement vu dans Hostiles. Quant à Steve Carell, j’étais déjà en terrain conquis, ayant encore en tête le souvenir frais de Bienvenue à Marwen. My Beautiful Boy faisait partie des films qui faisaient partie de mes envies de cette année, ayant aussi pu constater quelques retours positifs à son sujet. Encore une fois, je ne suis pas un grand spécialiste des films sur la drogue, et j’abordais donc My Beautiful Boy avec un regard assez néophyte, tout en étant séduit par la manière dont le film choisit de traiter le sujet.


My Beautiful Boy confronte donc un père aux dérives de son fils, tombé dans le piège de la drogue, trop séduit par les tentations qu’il peut susciter. Comme tout parent, c’est par la mise en garde qu’il tente de sauver son fils, en pointant du doigt le danger qui le guette, et en l’incitant à se désintoxiquer. Le début d’un long combat ponctué de moments d’isolement et de retrouvailles, d’espoir et de rechutes. Et si l’objectif est de voir Nic lâcher la drogue une bonne fois pour toutes, c’est bien son père qui, ironie du sort, se retrouve lui-même empoisonné, faisant de la drogue une obsession, tentant de connaître au mieux le mal qui ronge son fils. Comme disait Sun Tzu dans L’Art de la Guerre : « Connais ton ennemi et connais-toi toi-même, même avec cent guerres à soutenir, cent fois tu seras victorieux. Si tu ignores ton ennemi et que tu te connais toi-même, tes chances de perdre et de gagner seront égales. Si tu ignores à la fois ton ennemi et toi-même, tu ne compteras tes combats que par les défaites. » Une obsession proportionnelle à l’amour d’un père pour son fils, sur lequel My Beautiful Boy insiste particulièrement, pour mieux mettre en lumière les dégâts que provoque la drogue dans le cercle familial.


Pour apporter de la matière et de la consistance à cette relation, le film opère de nombreux flash-backs, qui s’enchaînent souvent rapidement, sans prévenir, nous faisant parfois nous demander si nous sommes dans un flash-back ou si nous sommes revenus au présent. Et si le choix peut paraître déroutant, il est judicieux, car il permet de mélanger les souvenirs au présent, pour montrer que si la relation entre Nic et son père en est là aujourd’hui, elle est marquée par de nombreux souvenirs, qui continuent de les accompagner, et qui resurgissent régulièrement. Mettre l’emphase sur ces scènes de vie avec ce petit bonhomme plein de vie et innocent, pour les confronter aux dures scènes du présent, avec cet adolescent perdu et en détresse, permet aussi de mettre en perspective toute l’angoisse de ce père qui n’a de cesse de se demander comment ils ont pu en arriver là, et pourquoi ils se retrouvent dans cette situation, eux. Et My Beautiful Boy s’articule également autour de la dynamique de guérison et de rechute qui régit le processus de sevrage, pour proposer de beaux moments d’insouciance et de légèreté et, a contrario, des passages beaucoup plus durs, éprouvants, où les nerfs des personnages sont à vif. Une dynamique aussi frustrante que dramatique, qui montre toute la difficulté rencontrée pour vaincre ce fléau.


Mais il ne s’agit pas non plus de se limiter à un discours se résumant à « La drogue, c’est mal ». Autant que le père cherche à connaître les différents types de drogues qui existent et leurs effets, My Beautiful Boy s’intéresse à la source du problème, en questionnant sur les facteurs qui peuvent pousser un adolescent à succomber à la tentation de la drogue. Ici, elle est présentée comme un désinhibiteur, quelque chose qui permet à Nic de se sentir libéré, heureux, serein, dans un monde qui lui déplaît. Elle le libère de ses entraves, comble un vide, lui permet de croire en ses rêves. Il ne s’agit donc pas de faire de Nic un simple cas d’école sur les effets de la drogue, mais bien d’aller plus loin et de mettre l’accent sur toute la difficulté éprouvée par un adulte en construction à trouver et à exprimer sa véritable identité, à parvenir à être soi-même, comme on l’entend, dans un monde auquel il faut nous conformer malgré tout. L’adolescence est souvent une période où l’on prend de plus en plus d’indépendance, une indépendance qui se manifeste par un isolement de plus en plus prononcé, notamment vis-à-vis de la famille. Or, l’accompagnement de celle-ci demeure nécessaire, et My Beautiful Boy cherche donc à montrer qu’il faut à tout prix entretenir le dialogue, ne pas rompre les liens, que si la solitude n’est pas un mal, la solitude absolue mène à une perte de repères qui peut s’avérer fatale.


Avec son duo d’acteurs principaux qui génère une vraie alchimie, My Beautiful Boy offre un récit poignant, montrant les illusions que fait miroiter la drogue et les désillusions qu’elle engendre, devenant aussi une drogue pour un père dont l’inquiétude vire à l’obsession. Steve Carell et Timothée Chalamet s’entendent et s’accordent parfaitement à l’écran, portant ce drame familial intelligent et pertinent sur le fond, et se permettant également quelques beaux moments de grâce avec de très beaux plans qui contribuent à la richesse de ce film. My Beautiful Boy parvient à marquer, rappelant les dangers de la drogue et ses conséquences, certes, mais ne se limitant pas qu’à elle, allant plus loin dans la réflexion et le processus pour rappeler l’importance de la famille et du dialogue dans le développement d’une personne, et la difficulté que l’on peut rencontrer à s’accomplir et à trouver ses propres repères. Un film dur par moments, mais qui ne manque pas d’émouvoir. Très beau et fort.

JKDZ29
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le 20 janv. 2019

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