Au fil des années, le western est devenu un genre cinématographique de plus en plus daté, laissé à ses grandes heures lors des années 1960/1970. On les connaît, les grands western spaghetti de Leone, ou les western américains, plus bruts, de John Ford ou Clint Eastwood. Naturellement, la sortie d’un western en 2018 a tendance à interpeller. Le genre est loin d’être mort et désuet, et continue de se perpétuer, mais sa présence sur les écrans se fait de plus en plus rare. Cette année, donc, c’est Scott Cooper qui vient proposer Hostiles, au casting alléchant, et à l’intrigue qui a tout pour plaire et donner lieu à un western sombre et puissant.


Les premières images et la première séquence ébruitent rapidement la volonté de Scott Cooper de réaliser un western crépusculaire héritant des grandes œuvres passées. Dans ces décors vastes où le danger est omniprésent et où la mort surgit sans coup férir, c’est le tableau d’étendues sauvages, vierges et hostiles qui se dessine, rappelant aux souvenirs de La Prisonnière du désert de John Ford et de Josey Wales hors-la-loi de Clint Eastwood. On y retrouve cette même violence latente, cette exploration de contrées où la civilisation peine à s’installer et à se développer, sans cesse agressée par les sombres desseins de propriétaires terriens violents ou de tribus indiennes en quête de bétail. Le titre du film, Hostiles, est simple mais concentre en un mot tout ce qui définit cet environnement, tant dans l’idée d’une nature immense et vierge, que d’individus ou de groupes dangereux errant dans le seul but de piller, parfois pour survivre, parfois car la folie s’est emparée de leur esprit.


La citation placée en début du film est loin d’être anodine : « L’âme américaine est dure, solitaire, stoïque  : c’est une tueuse. Elle n’a pas encore été délayée. » Comme l’ont fait ses prédécesseurs, Scott Cooper prend le contre-pied de l’épopée de la conquête de l’Ouest pour montrer sa face cachée, celle qui est désagréable, où l’adversité et la folie sont le destin de ses héros. Le réalisateur ajoute ici toutefois un esprit d’unité face à cette même adversité. « L’ennemi de mon ennemi est mon ami » pourrait-on dire, où une menace commune mène un capitaine endurci à se battre au côté de Cheyennes pour survivre. Blocker et Yellow Hawk le savent et l’expriment eux-même, il y a du mauvais de chaque côté, il n’y a pas de bons ni de méchants, que des individus qui cherchent à survivre dans une lutte acharnée où prévaut la loi du plus fort. Cette ambivalence permanente nourrit d’autant plus cette hostilité omniprésente, dans un environnement très sauvage qui contraste largement avec l’époque à laquelle se déroule le film, à l’orée du XXe siècle, celui de la technologie et de la modernité. Hostiles s’intéresse d’ailleurs, brièvement, à cette idée d’un passage brusque et paradoxal de l’état sauvage à une civilisation développée et moderne.


La principale réussite d’Hostiles réside dans sa capacité à faire revivre l’esprit des grands westerns d’antan, avec cette mise en scène de superbes décors où se déchaînent violence et folie, dans ce contexte de fondation d’une nouvelle civilisation. Une civilisation diverse qui s’est construite sur des combats sanglants et destructeurs. Scott Cooper parvient bien à tisser les premiers liens pour garder des bribes d’espoir dans ce sombre tableau, et grâce à sa très belle photographie, le film parvient bien à retranscrire cette atmosphère originelle et primitive. Toutefois, son principal défaut réside dans sa gestion du rythme, lequel demeure hésitant et peu harmonieux. Diverses ruptures brutales et quelques longueurs empêchent une réelle harmonie dans le déroulé du film, en plus de quelques éléments scénaristiques un brin bateau, et du traitement expéditif de certains personnages secondaires qui empêche un réel attachement et une vraie compréhension de leur rôle dans l’histoire, ainsi que dans le discours du film. Par exemple, le personnage de Tommy était intéressant, mais sa place dans le film et ses interventions s’associent difficilement pour lui donner plus de force. Finalement, le film ne fait pas de détail et expédie, comme cette nature sauvage et impitoyable.


Hostiles a bien suivi la recette du western réussi, en redonnant vie à ces westerns brutaux mais marquants, à la fois terrifiants et fascinants. Les acteurs parviennent à se hisser à la hauteur du film, notamment Christian Bale, qui cristallise tous les maux de cet environnement cruel. Son regard en dit beaucoup sans forcément exprimer énormément. On apprécie ce retour aux sources brutal et sauvage, même si les petites dissonances au niveau du rythme empêchent Hostiles de définitivement franchir la marche de l’excellence. il n’en demeure cependant pas moins une des grandes réussites de cette année.

JKDZ29
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le 18 mars 2018

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