En cette époque du communautarisme émotionnel donné en pâture par les messes médiatiques, les thèmes de Mysterious Skin étoufferont plus d'un badaud peu enclin à des sursauts d'intelligence et d'honnêteté.
Deux conditions indispensables pour digérer ce que le film donne à comprendre (et pas à voir)... quand on n'a peu pris la peine au moins une fois dans sa vie de se questionner soi-même ou de tenter de comprendre l'humain dans son ensemble.
Moins prosaïquement, disons que Mysterious Skin parle de construction de l'identité sexuelle, du passage de l'enfance asexuée vers les prémices de l'adolescence, de la notion de normalité de la sexualité...
Il parle aussi de souffrance psychologique, d'échappatoire, d'environnement aveugle, et du néant d'enfants meurtris abandonnés et privés d'une part fondamentale de l'identité. Mais la puissance du film réside dans deux exploits singuliers. D'abord, Araki fait part d'une intelligence plutôt rare lorsqu'il parvient à éviter le jugement moral lourd et systématique, emblématique d'un cinéma porte-drapeaux démagogique. Pourtant le drame est évidemment présent et ne laisse donc aucun doute sur le fondement moral.

Penser l'inverse, s'apparente soit à de la mauvaise foi, soit à une relative stupidité. Le réalisateur donc, pose anthropologiquement son sujet capteur de tous les tabous, pour ne pas dire scientifiquement, et renvoie chacun dans ses jeunes années pour tenter de comprendre ce que le diktat réactionnaire qualifiera irrémédiablement d'incompréhensible. Son second exploit ensuite, s'incarne dans cette capacité formelle à lier un point de départ révoltant à cette image et ce son mélancoliques, jamais pesants, doux et mielleux, parfois emotion pop.
Ce lyrisme n'est autre que celui fantasmé par les deux victimes qui par ailleurs content leur histoire. Mais il n'est jamais complaisant et la forme sert parfaitement le fond. Retenons donc que Mysterious Skin fait preuve d'une intelligence rare, et qui pourtant devrait paraître normale et nécessaire dans un souci de compréhension. Il faudra aussi pour certains d'entre nous accepter ces évidences selon lesquelles rien n'est inscrit, rien n'est inné, que tout se construit...
Galaad
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le 5 juil. 2011

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