Angle mort
Il en est des personnages historiques comme des pièces de théâtre patrimoniales : à chaque fois qu’un metteur en scène s’y attaque, il se doit de livrer sa lecture, et prend soin, avec plus ou moins...
le 26 nov. 2023
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J’avais vraiment laissé ce film de côté pendant des mois! Partout où je passais, il y avait quelqu’un pour dire que c’était un désastre absolu, ou au contraire un chef d’œuvre écrasé par l’incompréhension générale.
Et à force d’entendre les mêmes refrains, j’ai fini par ne plus savoir quoi en penser et surtout ne pas avoir envi de le voir... Je crois que j’avais juste pas envie de rentrer dans ce chaos d’opinions, comme si le film avait été avalé par un combat qui le dépassait. Alors je l’ai évité. Par réflexe, par lassitude et certainement par peur de me retrouver pris dans le même tourbillon.
Et puis aujourd’hui, sans trop réfléchir, je me suis lancé. Entre plusieurs gros bing watch de série Apple TV, ce film était là à m'attendre et j'avais besoin de me poser devant une longue histoire.
J'ai bien fait, parce que j’ai pris une claque à laquelle je ne m’attendais absolument pas. Les images m’ont cueilli dès les premières minutes. Les décors, la texture des scènes, la manière dont les espaces sont habités, tout ça a une puissance rare. Il y a quelque chose de profondément cinématographique à chaque instant, comme si Ridley Scott n’avait pas filmé une époque mais un souvenir collectif, une mémoire qui traverse les siècles et qui n’a jamais vraiment cessé de brûler.
Franchement, qui ne peut pas être d'accord avec cette affirmation?
C'est visuellement IMPRESSIONNANT et y'a tellement de plans cultes que j'en ai pris plein les yeux!
J’avais beau connaître les débats, les critiques, les invectives, une fois dans le film j’ai surtout vu un réalisateur qui sait encore créer du cinéma avec un C immense. Des paysages qui respirent. Des champs de bataille qui ressemblent à des tableaux vivants. Des foules qui bougent comme des marées. Une lumière qui sculpte les visages avec cette précision que seul Scott semble maîtriser.
Je pense à certaines scènes où tout est silencieux avant d’exploser. À cette façon qu’il a de filmer Napoléon comme un corps mal ajusté à son destin. À Joséphine qui attire la lumière comme un phare lointain. À ces bivouacs nocturnes, humides, où tout semble peser une tonne. À la manière dont les armées s’étirent sur l’horizon comme si la terre elle-même se préparait à trembler.
Du cinéma pur. De ceux qui vous rappellent pourquoi vous aimez ça.
Que tous les détracteurs fermes les yeux et ose me dire qu'ils n'ont pas des flash de Austerlitz et Waterloo! Un film, c'est un tout, ce n'est pas que du visuel et de la mise en scène... Mais franchement, comment peut-on resté de marbre face à autant de beauté?
Oui, c'est très fantasmé et "à l'américaine", mais putain, un peu d'ambition pour un tel personnage et une telle histoire!
Les décors nocturnes d'intérieurs, sont d'un flamboyant qui ne peuvent passer inaperçu.
Je n'aime pas les scènes de batailles.
De manière générale, j'entend. Je trouve ça terriblement chiant et toujours trop brouillons. Ici, c'est élégant aéré et j'ai apprécié suffisamment pour ne pas en souffrir trop. Une manière de faire qu'on retrouve d'ailleurs un peu partout dans le film.
Même dans les scènes intérieures, les décors ont une présence incroyable. Les salles immenses qui écrasent les personnages, les couloirs trop sombres, les costumes qui semblent peser autant que les décisions qu’ils doivent prendre. Tout participe à rendre cette époque palpable.
Alors oui, arrêtons un instant de rester trop sur les côtés impressionnants du film, puisqu'il y a des points où je suis moins convaincu et on va rentrer dedans...
Parfois le montage semble avaler des morceaux entiers de l’histoire. On sent des ellipses trop brusques. On devine des arcs narratifs qui auraient eu besoin de respirer davantage.
Par instants, j’ai l’impression d’être projeté d’un événement à l’autre sans avoir eu le temps d’en absorber les conséquences.
Et même si ça ne gâche pas totalement le plaisir, ça crée une sorte de décalage, comme si le film avançait un peu trop vite pour sa propre grandeur.
C'est comme la plus belles des sculptures, dont ont aurait terminé un visage, mais sans être allé jusqu'aux épaules. Il n'y a pas meilleure image pour parler factuellement de ce film.
Dommage, car il y a un élément qui méritait d'être encore bien plus mis en avant...
Napoléon, dans le film, m’a donné l’impression d’un homme constamment en décalage avec lui-même, comme si son esprit avançait toujours deux pas plus vite que sa propre capacité à comprendre ce qu’il ressent.
Il y a chez lui une forme d’orgueil instinctif, un besoin presque maladif de prouver qu’il mérite la place qu’il a arrachée au monde, mais ce besoin est traversé par une fragilité qui perce dans ses silences et dans ses regards perdus.
On sent qu’il est porté par une énergie qui le dépasse, une sorte de fièvre intérieure qui le pousse à conquérir par peur d’être oublié, à aimer par peur d’être abandonné, à commander par peur de disparaître.
Sa relation à Joséphine dévoile d’ailleurs cette faille immense, cette incapacité à gérer ses émotions autrement que par la possession ou la passion brute, comme si l’amour était pour lui un territoire de plus à contrôler. C’est un homme qui se rêve géant mais qui passe son temps à lutter contre cette petite voix intérieure qui lui murmure qu’il n’est peut-être pas à la hauteur. Et c’est là que le personnage devient fascinant. Pas dans sa grandeur, mais dans cette tension permanente entre l’ambition démesurée et l’ombre du doute qui le suit partout, sur les champs de bataille comme dans les chambres où il dépose enfin son armure.
Je garde en tête les dialogues terrifiants, ou on ose plus s'attendre des colères de Napoléon. Le fameux "C'était une question... Maintenant c'est une accusation", qui m'a glacé le sang!
C'est l'archétype du puissant, qui n'est en fait qu'un homme et on lui donne ici un beau théâtre d'expression!
Beaucoup ont trouvé le personnage mal écris et les coupures pour le cinéma n'en sont pas pour rien dans cet avis... Beaucoup diront aussi qu'historiquement parlant on y est pas totalement... Et pour le coups, ils faut les entendre... Bien que je ne suis pas d'accord pour bouder le film à ce point là. Un ressenti similaire que j'ai pu avoir sur un film qui parlait de Tetris et c'est curieux que j'ai pu les voir de manière si rapproché l'un de l'autre. Puisqu'ils ont un traitement et des reproches très similaires!
C'est un trop beau spectacle, une vision d'auteur talentueux qui mérite qu'on laisse de côté ces choses que j'ose considérer optionnelle pour ce genre d'oeuvre.
Je préfère en revanche reprocher au film, que mis à part l'acteur principal et son rôle centrale, totalement maitrisé... Je n'ai vu que des acteurs/trices très oubliables.
Mais malgré ces failles, malgré ces saccades et ces manques, je suis resté rivé à l’écran. J’avais l’impression de voir une fresque imparfaite mais vivante, un film qui ne triche pas avec son souffle, qui ose les grands gestes, qui embrasse l’ampleur de son sujet sans craindre de se brûler.
C’est exactement ce que j’attendais sans le savoir. Pas un biopic sage et classique, ni une reconstitution à la virgule. Juste du cinéma, du vrai et massif. De celui qui imprime quelque chose dans la mémoire et qui continue de tourner dans la tête longtemps après la dernière image.
ça valait largement le pas que j’avais mis si longtemps à franchir.
PS: Je regrette de ne pas avoir eu le courage de me lancer dans la version longue pour être certain de ne rien manquer. Car je constate que je reproche quand même à ce long métrage d'être un peu trop coupé par endroit.
Mais... D'un autre côté, déjà 3 longues heures de films, pour rester avec la frustration d'une version longue qui aurait pu être meilleure?... Poser un RTT pour regarder la vraie version d'un film, ne m'a jamais enchanté, dommage.
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il y a 6 jours
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