Naqoyqatsi
6.1
Naqoyqatsi

Documentaire de Godfrey Reggio (2003)

Après un envoûtant Koyaanisqatsi et un apathique et très faible Powaqqatsi, Reggio s'est dit qu'il ne fallait pas achever son projet sur seulement 2 épisodes mais bien sur une trilogie. Ainsi naquit en 2003 Naqoyqatsi, considéré par beaucoup comme le pire épisode de la saga analytique du monde tel qu'il est sous le joug de l'homo sapiens. La signification ici est toute autre. Dans sa traduction, Naqoyqatsi renvoie à la guerre comme mode de vie, à la violence dite civilisée. Bref, la destruction sera l'épine dorsale de ce qui est censé boucler la trilogie Qatsi. Autant dire que Naqoyqatsi ne réitère aucunement la puissance autant visuelle que musicale de son grand frère (soit Koyaanisqatsi) mais n'est pourtant pas aussi inintéressant que ce que l'on était en droit d'attendre. Il est toutefois évident qu'il marque une rupture nette avec les deux premiers puisqu'à l'image naturelle se substitue l'image de synthèse. Rien de plus normal puisque c'est à un voyage pas seulement au sein des intentions belliqueuses de l'humanité qui se fait mais également sur la technologie émergente.


Amenée à devenir de plus en plus omniprésente, elle commence son inexorable processus de déshumanisation de la vie même, envahissant chaque élément terrestre. A l'opposé du flamboyant, Reggio noie le spectateur sous un flot ininterrompu de captures visuelles en mouvement des technologies de l'information. Les CGI interagissent directement avec les êtres humains et les animaux, faisant corps avec eux. Chose renvoyant à ce que je disais juste au-dessus : l'invasion technologique du vivant. On penserait presque au pur chef-d'oeuvre nippon Tetsuo que l'on ne présente plus. Inutile de dire que le propos de Naqoyqatsi est intemporel quand on voit à quel point à notre époque la digitalisation effectue sa course effrénée pour faire entrer la civilisation toute entière dans l'ère du 100% numérique.


Hélas, si Naqoyqatsi tape juste là-dessus, il est beaucoup moins probant sur la violence même qu'il ne traite que trop en superficie. Est-elle en lien avec la technologie grandissante ? Mystère ! D'ailleurs, à ce sujet, il y a un truc qui m'a particulièrement énervé. Le réalisateur n'a rien trouvé de mieux que d'incruster des séquences de jeux vidéos de type FPS entre des scènes de violence urbaine. Quelles sont ses intentions ? Quel est le but de tout ceci ? Dire que les jeux vidéos c'est pas bien parce que ça rend les gens violents ? Que cet amoncellement de conneries soit régurgité par des boomers démago sur Facebook n'est pas choquant mais une telle pratique est indigne d'un cinéma qui se veut éveillé alors qu'il flirte sur ce point avec l'imbécilité populaire. Bon, ça ne concerne que moins de trois minutes mais il faut avouer que ça fait perdre le film en crédibilité.


Autre point bien plus dommageable est que Naqoyqatsi, dans sa volonté de mêler le synthétique au naturel, et compte tenu des moyens limités de l'époque, nous gratifie de CGI se rapprochant à plusieurs reprises de l'affreux. Si au début, il y a une patte esthétique intéressante, l'exercice de style finit par s'essouffler au point de piquer les yeux. C'est d'autant plus triste que si l'oeuvre traverse le temps et est plus que jamais d'actualité, elle reste bloquée dans son époque, victime d'une méthode de fabrication bien trop dépassée pour être pleinement acceptée.

MisterLynch
5
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le 11 oct. 2021

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MisterLynch

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