Le Film-de-Tournage est un genre cinématographique à part entière qui a vu briller les cinéastes les plus généreux, du définitif La Nuit Américaine, à l'obscur et génial La Patinoire en passant par le malin Living in Oblivion ou l’immanquable Bowfinger. C'est aujourd'hui au cinéma underground nippon de se prêter à l'exercice. Ne Coupez Pas ! a couté 3 millions de Yens ( 25.000 Euros environ ) et a été tourné en un minimum de temps par des acteurs non-professionnels pour la plupart, venus participer à un séminaire de jeu !


Prévu pour occuper un petit cinéma pendant une semaine, il a bénéficié d'un tel bouche-à-oreille que le succès l'a mené vers les plus prestigieux festivals, et une ressortie nationale !


Le film repose sur ce principe : montrer dans un premier temps un film semi-amateur en plan séquence, intitulé One Cut of the Dead, rempli d'anecdotes et de détails curieux ou inexplicables, pour dans un deuxième temps en montrer les rouages et ainsi entrainer le spectateur dans une série de "Aaaaah mais c'était pour çaaa !" les plus comiques et dévastateurs.


C'est une structure étrange, car on assiste à l'Acte II avant d'avoir bénéficié d'une introduction en bonne et due forme, mais ça s'avère payant. En dévoilant dès le début son résultat final, Shin'ichiro Ueda nous donne l'avance suffisante à nous faire "nous souvenir de ce qui va se passer ensuite" !
Cette construction, Ueda l'a cependant voulue sans esbroufe : il ne s'agit pas d'un plan séquence m'as-tu-vu-que-je-m'arrête-jamais pour frimer. Toute la deuxième partie du film nécessite que One Cut of the Dead soit un tour-de-force ininterrompu, même quand tout espoir semble perdu...


De ce défi insensé, imposé par les producteurs ( dans le film ) nait une sorte de making-of fantasmé, drolatique, amoureux du 7e Art. On y voit défiler les stars incapables, les acteurs imbus d'eux-mêmes, les alcooliques invétérés, ceux qui ont un système digestif bien trop délicat... Mais également les cadreurs de l'extrême, les maquilleurs et maquilleuses sans peur, les techniciens en effets spéciaux jamais à bout de ressources... Il règne dans le film un joyeux désordre, pourtant parfaitement maitrisé.


Au cours des premières répétitions, Shin'ichiro Ueda a divisé son casting en deux équipes, et fait répéter les acteurs dans différents rôles avant de faire son choix définitif sur qui jouerait quoi. Il a bénéficié de ces innombrables répétitions filmées pour peaufiner son scénario, incorporant certains heureux accidents de tournage ( le moment où la caméra reste au sol pendant une longue minute, par exemple ) et s'assurant que tout le monde serait à sa place à chaque instant, le moment voulu.


Lors du tournage du plan séquence, il était d'ailleurs sans cesse derrière le cadreur, avec lui-même une caméra Go-Pro sur la tête, pour l'épauler, le suivre, et récupérer la caméra de ses mains pour la toute-fin du plan "à la grue" ! ( certaines de ces images sont utilisées dans le générique de fin )


Même s'il cède par moments à la scatophile la plus facile, et en même temps la plus hilarante, Ne Coupez Pas ! est en définitive un film sur l'Art. L'Art qui, plus encore que l'artiste, ne transige pas, ne souffre aucune négociation, ne s'arrête pour personne... L'Art qui exige et prend le meilleur de nous, nous épuise, nous essore, et pourtant nous comble de bonheur, rapproche les pères et les filles, redonne de la passion là où on ne l'attendait plus.

Créée

le 29 déc. 2019

Critique lue 613 fois

3 j'aime

1 commentaire

Mike Öpuvty

Écrit par

Critique lue 613 fois

3
1

D'autres avis sur Ne coupez pas !

Ne coupez pas !
drélium
7

Prime Cut

On pourrait jurer qu'il s'agit d'une énième itération du film low budget nippon comico-gore de zombies mais bien heureusement, c'est plus que ça *. Le bon buzz galopant, de son succès au Japon...

le 26 déc. 2018

49 j'aime

3

Ne coupez pas !
Behind_the_Mask
8

Des zombies débridés

A l'heure où quelques pingouins mondains se tapent sur les cuisses devant un zombie movie amorphe qui radote, histoire de dire qu'eux aussi, ils aiment (hypocritement) le film de genre, il y a de...

le 18 juil. 2019

30 j'aime

6

Ne coupez pas !
Sergent_Pepper
6

Be kind, remind.

Il faut faire preuve d’une certaine patience pour apprécier ce curieux objet à sa juste valeur. Les formalistes pourront déjà, dans le premier segment, reconnaître un certain talent à l’équipe qui...

le 1 juin 2021

28 j'aime

2

Du même critique

Super Size Me
mikeopuvty
2

Démonstration par l'absurde.

Super Soy Me : Morgan Spurlock passe deux mois à ne manger que des nouilles sauce soja. Il prend quinze kilos, mais on lui enlève un rein, donc au total seulement 14k850g... King Size Me : Morgan...

le 26 oct. 2012

253 j'aime

87

Hercule
mikeopuvty
3

HAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARGGHHHH !!!!

" SI VOUS VIVEZ A LA FIN DU COMBAT ALORS C'EST GAGNE !! AAAAAAAAAAAAAAAAAAHH !!! " " BUVEZ SOUS PEINE D'AVOIR SOIF !!!! HAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!!!! " " QUAND NOUS AURONS GRAVI CES MARCHES NOUS SERONS...

le 27 août 2014

222 j'aime

29

Pourquoi j'ai pas mangé mon père
mikeopuvty
1

La Bouse de Jamel

On sait qu'une comédie est embarrassante quand les moments comiques provoquent des soupirs gênés, et les scènes de mystère ou épiques des éclats de rire... Pourquoi j'ai pas mangé mon père est de ces...

le 10 avr. 2015

205 j'aime

22