Bien qu'il soit le film le plus célèbre de Nicolas Roeg, Ne vous retournez pas est aussi un classique oublié du fantastique, omis en raison de son inconfortable étrangeté, renvoyant presque The Wicker Man dans le champ du mainstream, du cristallin en tout cas. Un couple venant de perdre sa fille part à Venise. La femme insiste pour consulter une voyante capable de prendre contact avec l'enfant noyée. Pendant ce temps, une vague de meurtre s'abat sur la ville. La séance n'est pas facile pour le spectateur car Roeg répand des indices avant de montrer le crime, sa narration est rigoureuse mais d'une cohérence masquée. Don't Look Now fonctionne par associations et s'émancipe des formes traditionnelles.


Ce style curieux, à la fois work-in-progress en trompe-l’œil et système achevé voir exhaustif, exulte dans L'Homme qui venait d'ailleurs, le film suivant de Roeg, autour de David Bowie (Les Prédateurs). Ne vous retournez pas n'atteint pas ce degré d'étrangeté mais écope pourtant davantage de contre-effets en donnant la sensation d'assister à des scènes superflues, sensation confirmée par la suite lorsque ces fragments apparaissent gratuits et non-inclus dans la construction qui se tramait à nos dépens et ceux de John (Donald Sutherland). Malgré la difficulté parfois à accrocher sur le fond à ce film noyé entre ses expérimentations (scénaristiques et mentales surtout, visuelles ensuite), il relance sans cesse la curiosité et ne déçoit jamais, frustrant plutôt.


Son aspect pittoresque est tel que l'erratisme apparent suscite plus de respect que d'impatience. Le film devient captivant après que la femme soit repartie aux Etats-Unis en raison de l'accident du second fils des Baxter, laissant John à sa solitude devant des perceptions déroutantes. Nicolas Roeg pourrait être comparé à Kurt Russell (Altered States) pour d'autres de ses œuvres, ici c'est plutôt à l'intersection de la Nouvelle Vague la plus abstraite (le Resnais de Marienbad ; Godard un peu) et du réalisme magique. Adaptation de la nouvelle Pas après minuit de Daphne du Maurier, à laquelle Hitchcock doit deux de ses films les plus fameux (Rebecca et Les Oiseaux), son Don't Look Now est un des 'classiques' institutionnels du cinéma britannique. Il est ainsi 8e au Top 100 British Film Institute, juste devant Les Chaussons Rouges.


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le 30 nov. 2014

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