En 2007, John Carney sortait discrètement un petit film sur un chanteur de Dublin intitulé Once. Se révélant être une franche réussite, le film a fini sa vie à 20 millions de dollars de recette (pour un budget ridicule de 160 000 $) et un Oscar pour la chanson Falling Slowly. Tourné en trois semaines, parfois sans autorisation, le film contait l’histoire d’un chanteur incarné par Glen Hansard -également compositeur des chansons du film- qui rencontre une jeune fille tchèque installée à Dublin. Ensemble, flirtant, ils vont tenter l’aventure de réaliser un disque. Sept ans plus tard, le bassiste du groupe irlandais The Frames devenu réalisateur revient avec un nouveau long-métrage ayant de nombreux points communs avec Once, un plus gros budget et New York en toile de fond.

Et pour le plus grand plaisir de ses fans, il livre un film un peu plus abouti que le précédent.

New York Melody s’ouvre sur une scène de bar. Nous sommes à Brooklyn et un chanteur laisse sa place à Keira Knightley. Seule face aux clients attablés, elle va se lancer dans l’interprétation d’une chanson folk en guitare-voix. Moment de magie pure qui sera le pivot de l’intrigue. Avec dans la foule Mark Ruffalo, producteur de musique désabusé et sur la mauvaise pente, qui croit entendre le futur de la musique.
La caméra s’éloigne alors et nous sommes ramenés en arrière pour découvrir comment Keira Knightley en est arrivée là. On va la suivre s’installant avec son copain dans un sublime loft New Yorkais. S’ils avaient l’habitude de composer de la musique ensemble, c’est lui seul qui a décroché un gros contrat suite à sa participation à un long métrage. On va aussi suivre le parcours de Ruffalo jusqu’au bar, producteur de musique qui a perdu son boulot et sa femme, et qui cumule les galères. De leur rencontre va naitre l’envie de faire de la musique mais aussi de remonter la pente chacun à sa manière. Et de faire un disque pas tout à fait comme les autres, histoire de tenter, au passage de bousculer une industrie déjà à terre.

La rencontre entre Knightley et Ruffalo sur fond d’envie de faire de la musique ensemble est évidemment un gros point commun avec Once, d’autant plus qu’après avoir filmé Dublin, John Carney profite des possibilités offertes par l’autre plus belle ville du monde, New York, pour balader ses personnages. On ne peut s’empêcher de penser que Keira et son copain (incarné par Adam Levine, le leader du groupe Maroon 5 totalement à contre emploi) partagent des similitudes avec la vie du réalisateur. Levine se retrouve propulsé en territoire américain, on lui fait un pont d’or pour qu’il fasse un disque et une tournée. Et si à travers le couple Carney évoquait le succès inattendu de Once, le fait qu’il se retrouve à Hollywood alors que lui, modeste metteur en scène irlandais, a juste envie de faire des petits films comme Keira joue modestement sa musique dans les bars ?

Au delà, on sent l’envie du réalisateur également scénariste de l’histoire de raconter d’autres choses. Évidemment, l’histoire entre Mark et Keira est au coeur de l’intrigue mais -comme les héros de Once, encore- elle sera bien plus complexe qu’il n’y parait. Les deux comédiens, eux, s’en sont donnés à coeur joie et sont confondants de naturel, à tel point qu’on se demande s’ils n’ont pas improvisé certaines scènes pendant que la caméra tournait. Carney s’amuse lui à filmer New York et il fort probable qu’il ait encore une fois tourné certaines de ses scènes sans autorisation, à l’arrache. Finalement quoi de plus naturel que deux personnes qui écoutent de la musique au casque assis sur un banc, au milieu d’une foule, sans lumière ni artifice, avec une petite caméra qui enregistre discrètement la scène ?
On notera que le premier titre anglais, How A Song Can Save Your Life ou littéralement « comment une chanson peut vous sauver la vie » était le plus judicieux puisque c’est la rencontre de Mark Ruffalo avec la musique de Keira Knightley qui lui donnera le sursaut dont il avait besoin. La musique est au coeur de leur vie comme elle peut être au cœur de la nôtre, où chaque morceau évoque des souvenirs, des lieux, des sensations…

John Carney ne voulait pas se limiter à une simple comédie romantique (qui contient de très belles touches d’humour d’ailleurs). Il porte donc en bonus un regard sur l’industrie musicale et l’opposition qu’il peut y avoir entre maisons de disques pensant rendement, marketing, vente et gros sous et les artistes qui, eux, veulent juste créer et partager de jolies choses. Du coup, l’album que Keira Knightley enregistre ne ressemble à nul autre et la scène se déroulant pendant le générique de fin rappelle en guise de post-scriptum que nous sommes dans une époque en mouvement, où on ne vend plus des disques, où on ne partage plus la musique comme autrefois, ce que les producteurs musicaux ont encore bien du mal à comprendre. A l’image, aussi, du cinéma et des aléas de sa distribution où, quand un film est réalisé cela ne veut pas dire pour autant qu’il sera montré au plus grand nombre.

Sous ses couverts de rom-com amusante, New York Melody se révèle être un bijou. John Carney livre un film plus abouti en terme d’écriture que Once, sans doute plus personnel, et porté par d’excellents acteurs. Il ne manque qu’une apparition de Glen Hansard devant un micro pour que le film soit parfait.
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le 25 juin 2014

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