Voir le film

La renaissance du film noir des années 40

Nightmare Alley (2021) est le dernier film de Guillermo del Toro sorti sur grand écran, sachant que son Pinocchio de 2022 est une production Netfix (et donc pour le petit écran, malheureusement). Mais pour revenir au film qui nous intéresse ici, c'est l'adaptation d'un roman de William Lindsay Gresham et le remake d'un film noir des années 40 réalisé par Edmund Goulding. Même si un metteur en scène va se tourner vers des projets qui l'interpellent plus personnellement, c'est quand même une caractéristique d'une adaptation/remake d'être un peu trop ancré à mon sens dans des schémas narratifs déjà existants. Dans le cas présent, je pense plus particulièrement à la descente aux enfers du héros, qui outre sa prévisibilité, est presque expédiée dans la dernière partie.

Nightmare Alley est bien plus efficace dans sa première partie avec son festival de monstres aux visages humains et sa gestion du fantastique, où le spectateur se fait duper en même temps que notre héros Stanton (Bradley Cooper) sur les pirouettes des prestidigitateurs. Mention spéciale au personnage de Pete (David Strathairn), beau et tragique. Je n'ai cessé de me dire que son visage m'était familier, avant de réaliser que j'avais déjà vu le comédien en tête d'affiche au côté de George Clooney dans Good Night, and Good Luck (également réalisé par George Clooney).

Dans sa deuxième partie, Nightmare Alley perd beaucoup de son intérêt. J'ai un peu le sentiment que Guillermo del Toro appuie trop lourdement sur les menaces pour le protagoniste, en l'occurrence le docteur Lilith Ritter (Cate Blanchett). On comprend la menace que représente le docteur, dès sa première apparition, sans beaucoup de matière pour nuancer le personnage. C'est la femme fatale typique du film noir, qui utilise son charme pour séduire et piéger un héros malchanceux. A l'inverse, je trouve dommage que Molly (Rooney Mara) quitte littéralement le cadre du film. Le récit se désintéresse totalement de son personnage par la suite, alors que sa relation avec Stanton était clairement un fil conducteur émotionnel dans l'intrigue, bien plus intéressant à mes yeux.

Par contre, s'il y a bien un reproche qu'on ne peut pas faire à Nightmare Alley, c'est de ne pas en mettre plein les yeux. Comme toujours avec Guillermo del Toro, ça reste une merveille sur le plan visuel, ce qui me fait regretter à chaque instant que le réalisateur mexicain n'ait pas encore transposé l'univers de Lovecraft sur grand écran. Le côté film de monstres et (horrible) spectacle itinérant de la première partie m'a complètement embarqué. J'adore cette ambiance, ces décors et tout ce jeu de faux semblants.

J'ai moins apprécié la deuxième partie du film, qui dénote vraiment avec la première, mais je trouve l'évolution logique. Le récit prend place dans les premières décennies du XXème siècle et on vit alors les dernières années des Freakshows qui sont ces cirques qui permettaient d'admirer des personnes "anormales". L'arrivée de la seconde guerre mondiale a quelque peu précipité la chute des Freakshows, d'où la transition et le début d'un "autre spectacle" pour les plus privilégiés.

C'est Léonardo Dicaprio qui était envisagé pour interpréter Stanton, avant d'être remplacé par Bradley Cooper. Et si vous voulez mon avis, c'est bien dommage. Bradley Cooper ne démérite pas et m'a même agréablement surpris dans ce film, mais son rôle semble effectivement taillé pour un comédien aux multiples facettes. L'interprétation de Bradley Cooper est un peu trop lisse, à mon goût. Rien que pour la scène finale, c'est difficile de ne pas songer à ce qu'aurait pu apporter Léonardo Dicaprio s'il avait interprété ce personnage. C'est peut être ce qui m'empêche d'apprécier ce film autant que j'aurais voulu l'apprécier.

Bref, les intrigues qui se jouent au centre de Nightmare Alley sont assez prévisibles, mais malgré tout, je me suis vraiment laissé embarquer dans cette histoire, qui dès le début apparaît comme très sombre et pessimiste. On sait très vite, que tout ça, ça ne peut que finir mal. Et puis c'est agréable pour une fois de voir un film qui n'essaie pas par tous les moyens de nous faire identifier au personnage principal. Stanton est un personnage très froid, distant et inquiétant, qui n'a rien du héros habituel sans peur et sans reproche, et c'est en ça que ce personnage est assez fascinant.

Créée

le 23 mai 2024

Modifiée

le 23 mai 2024

Critique lue 8 fois

4 j'aime

lessthantod

Écrit par

Critique lue 8 fois

4

D'autres avis sur Nightmare Alley

Nightmare Alley
Plume231
4

Freaks!

Je n'ai pas lu le roman original de William Lindsay Gresham duquel ce film de del Toro est adapté. Par contre, j'ai vu la version antérieure de 1947 d'Edmund Goulding. Ce qui fait que j'en profite...

le 19 janv. 2022

75 j'aime

18

Nightmare Alley
RedArrow
9

"Je suis né pour ça."

Les premières minutes que l'on passe à parcourir cette "Nightmare Alley" ont beau nous montrer explicitement la fuite d'un homme devant un passé qu'il a cherché à réduire en cendres, le personnage de...

le 19 janv. 2022

74 j'aime

16

Nightmare Alley
Behind_the_Mask
8

C'est moi le monstre

Le masqué, il attend chaque nouvel opus de Guillermo Del Toro avec ardeur et impatience. Souvenez-vous qu'en 2017, il couinait comme une jouvencelle de ne pas pouvoir aller dans son cinéma fétiche...

le 19 janv. 2022

42 j'aime

8

Du même critique

Le Cercle rouge
lessthantod
8

Et n'oubliez jamais ... tous coupables !

Le cercle rouge est le douzième et avant dernier film de JP Melville et c'est un film que beaucoup considèrent encore aujourd'hui comme son chef d'œuvre absolu. C'est aussi un film qui a marqué les...

le 15 août 2021

38 j'aime

19

Kaamelott - Premier Volet
lessthantod
7

À un moment, il monte à une tour ...

Tout d'abord, je précise que j'aime Kaamelott dans son intégralité et que par conséquent, j'adhère totalement à l'évolution de la série et à son changement de ton entre les quatre premiers livres,...

le 22 juil. 2021

38 j'aime

28

Les Bonnes Étoiles
lessthantod
6

Les inadaptés

Les Bonnes étoiles est le dernier film de Hirokazu Koreeda, un drame social touchant qui repose beaucoup sur son ambiance très soignée et sur un casting vraiment très bon, en premier lieu Song...

le 12 déc. 2022

35 j'aime

2