Non content de nous polluer régulièrement la rétine à grands coups de blockbusters pachydermiques et interminables (mais parfois drôles à un certain degré), Michael Bay décide de pourrir les souvenirs d'enfance de toute une génération ayant grandis avec les tortues imaginées par Kevin Eastman et Peter Laird. Par le biais de sa société de production Platinum Dunes et de Nickelodeon (qui détient désormais les droits de la marque TMNT), le cinéaste beauf met donc en place une sorte de reboot visant clairement une nouvelle génération de spectateurs, confiant le bébé à ce gros tâcheron de Jonathan Liebesman, déjà coupable de l'infâme Wrath of the Titans.
N'ayant jamais cessé d'évoluer au fil des ans (rappelons qu'il y avait déjà un monde entre le comic-book originel et la série animée des années 80), la série de Eastman et Laird se prêtait pourtant à une relecture contemporaine, à condition toutefois d'en conserver l'esprit et de respecter un minimum les fans de la première heure. Bien que casse-gueule et le cul entre deux chaises, ne choisissant jamais entre la vision sombre d'origine et le ton familial du dessin animé, le premier long-métrage sorti en 1990 et réalisé par Steve Barron parvenait à s'en sortir honorablement, grâce à de fabuleux costumes et animatroniques, et surtout à une émotion bien présente, les rapports filiaux entre les tortues et leur maître restant le coeur même d'un film imparfait mais que je chérirai toujours.
Ne cherchant qu'à relancer la machine à flouze et ne comprenant pas une seconde ce qu'ils adaptent, les instigateurs de ce reboot se plantent malheureusement dans les grandes largeurs avec ce Ninja Turtles puant la connerie et le marketing tout au long d'une heure et demie franchement douloureuse pour toute personne aimant un minimum l'univers transposé ici. Passe encore que l'origin story soit revue et corrigée au profit de nouvelles bases tiédasses (on a échappé au pire, Michael Bay ayant songé pendant un temps à en faire des extra-terrestres), ou que le scénario ne déroule qu'une intrigue convenue, à peine digne d'un mauvais pilote de série télé. Mais que les gars fassent absolument n'importe quoi avec les personnages, cela passe déjà beaucoup moins bien.
En plus de se coltiner un design carrément affreux, leur donnant un air de bodybuilders hypertrophiés et abrutis, nos héros à carapaces ne sont plus que l'ombre d'eux mêmes, vilaines caricatures interchangeables et pénibles à écouter, se contentant de virevolter dans tous les sens et de sortir des vannes pas drôles tout en se prenant pour des pseudo-rappeurs du dimanche. Exit donc les rapports touchants avec Splinter (ici d'une laideur à faire peur au Hulk fluo d'Ang Lee) et les oppositions entre différents caractères bien trempés. Les nouvelles Tortues Ninja seront donc des ados décérébrés lâchant des caisses dans les égouts et dansant sur du Gwen Stefany.
Même constat en ce qui concerne les autres personnages, soit inutiles (mais que vient foutre ici Whoopi Goldberg ?), soit têtes à claques (Will Arnett fait vraiment pitié), soit cons comme la lune, à l'image d'une April O'Neil d'une stupidité affligeante. Il faut dire aussi que confier le rôle de la journaliste intrépide à Megan Fox n'était pas l'idée la plus brillante de l'année, la "comédienne" s'avérant catastrophique du début à la fin. J'éviterais de parler de Shredder, cela risque de me rendre méchant.
En gentil petit soldat, Jonathan Liebesman shoote sa commande comme s'il s'agissait d'un Transformers, multiplie les "plans de dingues", pensant naïvement marcher sur les traces d'un Alfonso Cuaron ou d'un Peter Jackson mais ne parvenant au final qu'à rendre l'ensemble encore plus artificiel. Car si certaines séquences peuvent donner un infime sentiment d'assister à quelque chose de spectaculaire, le tout numérique vient tout bousiller, les CGI étant bien trop visibles et s'approchant plus d'une cinématique de jeu vidéo.
Sans surprise, ce Ninja Turtles n'est qu'un produit marketé de plus, un blockbuster sans âme comme on en fait à la chaîne depuis bien des années maintenant. Un foutage de gueule en forme de gigantesque bras d'honneur adressé aux fans, une pompe à fric gerbante qui en devient carrément gênant à force de vouloir se donner des airs cools. Affligeant.