No country for old men signe le retour éblouissant des frères Coen qui, depuis The big Lebowski, n’avaient réalisé que des travaux mineurs, insignifiants et/ou inoffensifs. No country for old men, diamant sauvage et poussiéreux, s’impose comme le dernier segment d’une trilogie noire et grinçante commencée il y a plus de 20 ans avec Blood simple, Fargo servant de lien idéal entre ces deux polars plouco-texans. Les trois films ont en commun cette fatalité existentielle irrémédiable, ce goût pour le dérisoire et la bêtise humaine, les situations atroces et le sang. Avec toujours, comme point de départ, un loser embarqué dans une spirale infernale de mort et de terreur.

Dans un Texas lunaire criblé de caravanes et d’hôtels cabossés, le chaos prend place dans toute son ampleur tragique et universelle, personnifié par Anton Chigurh, tueur à gage implacable et ange de la mort hors du temps. Gabarit brutal et massif, contrebalancé par une coiffure féminine improbable, Chigurh avance tel un fléau prophétique dévastant tout sur son passage, frère mutique et vraisemblable du Charlie Meadows de Barton Fink. L’interprétation de Javier Bardem, bluffante, fascinante, s’inscrit dans la longue lignée des bad guys charismatiques qu’on idolâtre secrètement.

Si le scénario s’effiloche un peu sur la fin, les Coen savent maintenir une tension exceptionnelle qui aiguille, qui cloue sur place ; et leur caméra, gant de velours sur crin de geais, s’approprie comme un rien les décors naturels inquiétants et les espaces clos des chambres d’hôtels où la violence s'étend en une chorégraphie macabre et subite. Le film a son lot de scènes déjà cultes, carnage rapide sur le lino d’un commissariat, duel mythologique dans la nuit d’une rue, massacres méthodiques et silencieux dans diverses alcôves de motels miteux. En contrepoint à toutes ces horreurs, un humour noir acéré et, en conclusion, un désarroi, une profonde mélancolie devant une boucherie futile, presque banale, qu’on préférerait oublier dans les lacis d’un rêve ou d’un souvenir.
mymp
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le 17 oct. 2012

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