Difficile d'écrire une critique artistique quand le sujet est aussi éminemment politique. Dur d'avoir une plume calme quand on sort d'une vision aussi bouleversante. Mais on peut essayer.


Ce reportage est l'œuvre d'un collectif israélo-palestinien. Je découvre en écrivant cette critique que le film a gagné l'Oscar du meilleur documentaire.

Ce film "réalisé par un collectif palestino-israélien de quatre jeunes militants a été réalisé comme un acte de résistance créative sur la voie d'une plus grande justice. " (c'est pas moi qui le dit, c'est Allociné)


Il a lieu dans un petit village de Cisjordanie, zone enclavée, morcelée, où les israéliens ont le droit de circuler librement (plaques d'immatriculation jaunes) tandis que les palestiniens n'ont pas le droit de quitter le territoire.


C'est la zone qui est colonisée petit à petit par les colons juifs qui viennent occuper les terres abandonnées ou chasser ceux qui s'accrochent encore. La question c'est pourquoi ces terres sont elles abandonnées ?


Le film répond en montrant comment l'occupation israélienne prépare le terrain avec la collaboration active de l'armée.


Pendant plus de 5 ans, Basel Adra, le fils du pompiste de ce petit village de Cisjordanie, filme l’expulsion de sa communauté par l'occupation israélienne qui détruit le village pour en chasser les habitants. Avec sa petite caméra ou son téléphone, ce diplômé en droit filme chacune des étapes dramatiques qui ponctue les expulsions : l'arrivée de l'armée, qui précède celle des bulldozer, les familles qui sont averties au dernier moment de récupérer leurs affaires avant que leur maison soit détruite sous leurs yeux...


On voit les famille se réfugier dans des grottes troglodytes, reconstruire de nuit leurs maisons... Car oui, l'armée peut à son aise venir détruire des maisons pour transformer l'espace en "terrain militaire" mais les palestiniens eux, pour reconstruire leur maison, ils ont besoin de permis de construire qui sont délivrés par... l'autorité israélienne. Sur une échelle de zéro à zéro, quelles sont les chances pour une famille palestinienne d'avoir un permis de construire ?

Dans sa documentation de ce combat d'usure, échappant régulièrement à des raids pour l'arrêter, Basel va être rejoint par Yuval, un journaliste israélien, qui le soutient dans ses démarches. A eux deux, avec leurs faibles moyens, ils tentent d'avertir l'opinion publique israélienne et internationale...


Et jour après jour les buldozers sont de retour, les familles se réfugient chez les uns et les autres... Et puis parfois abandonnent et partent ? Mais pour où ? "No toher land", c'est le titre.


Un fatalisme teinté d'humour émaille de temps à autre les discussions des protagonistes. Une femme fait des pronostics sur l'arrivée des bulldozer "je sens qu'il viendront demain" elle dit cela avec le sourire, comme une voyante...


Il y a de la vie qui résiste dans cette entreprise d'étouffement. Parce que, de l'autre côté, il n'y a qu'une seule chose : l'abjection.


Le chef des travaux est visiblement un fonctionnaire de la terreur. Le regard caché derrière des lunettes fumés, il ne regarde pas les gens qu'il vient virer. Un beau spécimen d'inhumanité.


L'armée la plus morale morale du monde est là pour repousser les gens qui tentent de protéger le peu qu'ils ont. On sent que certains soldats ne sont pas à l'aise avec ce qu'ils voient, mais tous se cachent derrière leurs ordres... On fait notre boulot.


Parfois, on y met un peu de coeur... Et ainsi, un villageois sera abattu devant sa mère...


Enfin, il y a les colons. Le mal a un visage et porte un fusil mitrailleur. Une fois que l'armée a fait l'essentiel du boulot, ils arrivent pour chasser les derniers acharnés, l'arme au poing, protégés par les miloufs.


C'est abject.


Voilà pour le fond. On sort de là en colère.


Pour la forme (je me calme, je me calme), on a affaire à un très beau film. Avec des plans étonnant, des moments de poésie et de calme, de sourire et de beauté, au milieu des ruines. Les images faites au téléphone se marient étonnamment bien avec celles de la petite caméra de Basel (et de Yuval, très vite)


C'est à ce point bien que, parfois, on se demande si on a pas affaire presque à un film joué par des acteurs (mais je suis bon public).


Bref : un Oscar amplement mérité, mais aussi le prix du meilleur documentaire du festival du film de Berlin... Malgré ce prix "No Other Land" n'a toujours pas trouvé de distributeur aux Etats-Unis et n'est diffusé que dans quelques salles.


Est-ce qu'on est étonné ?

Pas trop non.


Un film qui ne rend pas justice à l'humanité, à conseiller à votre ami qui trouve des excuses à tout dès qu'il s'agit de colonisation. Il trouvera sûrement une excuse pour ne pas le voir.





CapitaineNemo
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le 6 avr. 2025

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CapitaineNemo

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