Il n'est personne et ne craint personne

Son nom est personne. Un peu comme tout le monde qu’il croise, pour qui il n’est personne, et qui ne sont personne à ses yeux non plus. D’illustres inconnus dont on ne connait pas la vie, le passé, la vraie personnalité. Ce Nobody que l’on va découvrir a, lui, plus d’un secret à cacher.


Le spectateur qui découvre Nobody sait déjà à peu près dans quoi il s’embarque : l’histoire d’un homme ordinaire, sans histoire, qui va, un jour, s’embarquer dans un déchaînement de violence. Une nouvelle figure du vigilante qui va s’inscrire dans la lignée des Inspecteur Harry, Death Wish, ou, plus récemment, John Wick. C’est d’ailleurs avec ce dernier que Nobody va souvent être comparé, comme étant une sorte de simili John Wick, mais il est certain que la comparaison s’arrête à la simple vision de la libération de la colère d’un homme qui en avait pourtant fini avec la violence.


Nobody cherche tout de suite à planter le décor en faisant de son personnage principal un père de famille embarqué dans une routine ennuyeuse, les jours défilant toujours plus vite à force de se ressembler. Un père parvenant de moins en moins à assumer son rôle, notamment auprès de sa femme et de ses enfants. Même au moment où il doit être présent pour les siens, il choisit de ne pas agir. Pourtant, le spectateur comprend qu’à ce moment là, c’était la meilleure décision qu’il pouvait prendre. Cependant, un point de non-retour était atteint. Nobody nous embarque alors dans une spirale de violence avec ce personnage très proche de la réalité dans la banalité qu’il dégage, tout en n’hésitant pas à jouer la carte de l’exagération au fil de notre avancée dans l’histoire.


Là où un John Wick se veut très esthétique, léché, chorégraphié, cool, Nobody est bien plus rugueux, décomplexé et terre-à-terre. Si le film part sur la base d’un quotidien auquel le spectateur peut s’identifier pour qu’il établisse des repères bien établis, il peut derrière se permettre des écarts qui provoquent quelque chose de jubilatoire et libérateur. Le changement radical d’attitude du personnage a aussi tendance à désarçonner, ne rendant pas toujours claires ses motivations et laissant le spectateur dans l’incrédulité pendant quelques instants. Mais les pièces du puzzle finissent par s’assembler naturellement. Et si le film ne cherche pas systématiquement à être poseur, il cherche quand même quelques passages photogéniques et n’hésite pas à mettre en valeur son héros.


Nobody ne réalise pas d’incroyables prouesses, mais il offre la garantie d’un bon moment pour tous les amateurs du genre. Conscient de ce qu’il est, il ne se moque jamais du spectateur, que ce soit dans sa volonté d’être réaliste, que dans ses envolées plus décomplexées, ou encore dans les clichés dans lesquels il s’engouffre volontairement. C’est également très plaisant de voir Bob Odenkirk, l’emblématique Saul de l’excellente série Better Call Saul (et Breaking Bad, bien sûr), dans ce rôle qui lui convient parfaitement. Y aura-t-il une suite ? Peut-être, et on a envie de dire pourquoi pas.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Vus en 2022 : On en reprendra bien un peu

Créée

le 2 nov. 2022

Critique lue 2 fois

JKDZ29

Écrit par

Critique lue 2 fois

D'autres avis sur Nobody

Nobody
Sergent_Pepper
5

Breaking Dad

La question du cliché est finalement plus complexe qu’il n’y paraît. C’est certes l’argument idéal pour démonter une œuvre, dans la mesure où l’on peut aisément démontrer que tout ce qui nous est...

le 2 juin 2021

49 j'aime

6

Nobody
Behind_the_Mask
7

Mon nom est Personne

Derek Kolstad doit appréhender l'écriture de ses scénarios bourrins comme un challenge : celui de trouver le prétexte le plus what the fuck possible pour déchaîner la violence de la vengeance de ses...

le 3 juin 2021

19 j'aime

Nobody
Fatpooper
5

Nothing

La bande annonce m'avait pas follement émoustillé, mais j'étais curieux de voir ce John Wick moins esthétique. La première demi-heure m'a agréablement surpris : c'est brutal, c'est violent, mais ce...

le 11 mai 2021

19 j'aime

Du même critique

The Lighthouse
JKDZ29
8

Plein phare

Dès l’annonce de sa présence à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, The Lighthouse a figuré parmi mes immanquables de ce Festival. Certes, je n’avais pas vu The Witch, mais le simple énoncé de...

le 20 mai 2019

77 j'aime

10

Alien: Covenant
JKDZ29
7

Chronique d'une saga enlisée et d'un opus détesté

A peine est-il sorti, que je vois déjà un nombre incalculable de critiques assassines venir accabler Alien : Covenant. Après le très contesté Prometheus, Ridley Scott se serait-il encore fourvoyé ...

le 10 mai 2017

74 j'aime

17

Burning
JKDZ29
7

De la suggestion naît le doute

De récentes découvertes telles que Memoir of a Murderer et A Taxi Driver m’ont rappelé la richesse du cinéma sud-coréen et son style tout à fait particulier et attrayant. La présence de Burning dans...

le 19 mai 2018

42 j'aime

5