Toute la journée et à travers le pays, de Detroit à New York en passant par la Louisiane, Johnny, journaliste radio, demande à des enfants et des adolescents, à cette nouvelle génération à qui le futur appartient, comment ils imaginent, comment ils envisagent l’avenir, quand le sien est une sorte de mystère, une question sans réponse. Il n’en sait (plus) rien. D’ailleurs il l’expliquera à Jesse, son neveu de neuf ans dont il s’occupe parce que sa mère, en urgence, doit gérer l’hospitalisation de son mari bipolaire : «Tu vas mieux t’en tirer parce que tu te connais mieux. T’es capable d’exprimer ce que tu ressens. T’as une longueur d’avance». Et c’est au contact de Jesse, petit trublion fantasque aux interrogations multiples, que Johnny, tonton gâteau devenu soudain, malgré lui, une sorte de père de substitution, apprendra davantage sur les actions (et les erreurs) de son existence.


Plus que les âmes (mais le titre français du film est mal traduit, l’original, C’mon c’mon, renvoyant plutôt au mouvement, du moins une invitation au mouvement), c’est la parole des enfants, et la parole tout court, qui prédomine ici (le film est bavard, mais ce n’est jamais un défaut). Celle des enfants interviewés, celle de Jesse qui ne s’arrête jamais («Il parle, ça arrête pas, il parle de rien, il parle de n’importe quoi, interrompt la moindre pensée que je pourrais avoir», avouera sa mère), celle entre Johnny et sa sœur Viv, interrompue pendant un an suite au décès de leur mère… Et celle, bien sûr, entre Johnny et Jesse, qui permet à ces deux-là de se découvrir et de se comprendre (avec quelques ratés parfois), d’observer (d’écouter) ensemble le monde autour et cet avenir, ce fameux avenir que l’on redoute, que l’on embrasse et que l’on suppute, mais qui se prépare.


Mike Mills, avec ce doux regard qu’il a, depuis son premier film, teinté à la fois de joie et de mélancolie, signe, entre récit initiatique et road movie familial, un joli film sensible à la patine arty, mais dont le propos a du mal à dépasser la petite friandise d’apprentissage existentielle (comment vivre au mieux avec soi-même et avec les autres ?) et parentale (comment élever un enfant ?). Joaquin Phoenix quant à lui, qu’on avait laissé il y a deux ans avec le Joker et son interprétation bigger than acting, revient dans un rôle lui permettant de retrouver une belle simplicité, un jeu débarrassé de toute surcharge, qui «ne se voit pas». Son numéro de duettiste avec le surprenant Woody Norman est ce qui, finalement, restera de plus convaincant et de plus touchant au cœur de ce film sucré tout plein, inoffensif de A à Z.


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mymp
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le 24 janv. 2022

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