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Richard Linklater signe avec Nouvelle Vague un film à la fois hommage et relecture d’un moment fondateur du cinéma moderne. Difficile de dire s’il s’agit d’un biopic de Jean-Luc Godard ou d’un récit sur le tournage d’À bout de souffle : le film oscille volontairement entre les deux. Il ne cherche pas à restituer fidèlement un épisode précis de la vie du cinéaste, mais à faire de À bout de souffle le point de départ symbolique d’un bouleversement artistique, celui de la Nouvelle Vague. En cela, le titre est programmatique : Nouvelle Vague se veut un manifeste, ou plutôt une porte d’entrée, dans un mouvement collectif qui pourrait, en théorie, se poursuivre avec d’autres films consacrés à Eustache, Chabrol ou Rohmer. On en doute, surtout pour Linklater même s'il nous a déjà habitué aux suites, via sa trilogie Before (quelque peu inspirée de la trilogie Un homme et une femme de Claude Lelouch avec Anouk Aimée et Trintignant), mais l’idée est séduisante.
Le film est correctement interprété, parfois même brillamment. L’acteur incarnant Godard impressionne par sa justesse et son intonation de voix toute vraisemblable. Certains pourront le trouver caricatural, mais cette exagération semble cohérente : Godard lui-même, avec ses lunettes noires et son ironie perpétuelle, avait quelque chose d’une caricature ambulante. Linklater capte cette dimension performative du personnage, cette posture d’intellectuel provocateur, sans pour autant sombrer dans la parodie.
Sur le fond, Nouvelle Vague souffre cependant d’un traitement un peu superficiel de son sujet. Le film évoque bien les débats des Cahiers du cinéma et la volonté de ces jeunes critiques de hausser le cinéma au rang d’art majeur, au même niveau que la littérature, la philosophie ou la peinture. Il montre leur ambition de donner au cinéma le statut d’un art d’auteur, là où il n’était jusque-là qu’un art collectif. Linklater filme cette effervescence intellectuelle avec empathie, en faisant intervenir des cinéastes aussi variés que Rossellini donnant un discours dans les bureaux des Cahiers, et aussi des apparitions de Chabrol, Rivette, mais sans toujours en restituer la complexité. On comprend que ces jeunes hommes voulaient devenir les Dostoïevski ou les André Gide du 7e art, mais la profondeur de cette révolution culturelle reste esquissée plus que véritablement explorée.
Le film aborde également, mais trop brièvement, l’aspect le plus novateur du travail de Godard : le montage. On nous dit qu’il est d'abord venu les mains dans les poches, a tourné au hasard un certain nombre de plans, qu’il s’est retrouvé avec des heures de rushes inexploitables, et qu’il a dû, par contrainte, inventer un langage nouveau en coupant là où, traditionnellement, on ne coupait pas. Ce montage rapide est sans doute l’un des gestes les plus révolutionnaires du cinéma moderne alors que Linklater ne le montre que dans une seule scène, au lieu d’en faire le véritable cœur du film. On a du mal à voir également en quoi la Nouvelle Vague a pu être véritablement influente sur le plan mondial et notamment à Hollywood à partir des années 1970.
Ainsi, Nouvelle Vague reste une belle évocation, mais une évocation partielle. Le film séduit par sa direction d’acteurs et par son regard tendre sur une génération passionnée, mais il effleure plus qu’il ne creuse la dimension esthétique et intellectuelle de la révolution Nouvelle Vague. On aurait aimé que Linklater ose, lui aussi, un geste de rupture formelle à l’image de ceux qu’il célèbre. En l’état, Nouvelle Vague demeure un film agréable et sympathique, mais qui parle davantage de la Nouvelle Vague qu’il ne la fait revivre.
Créée
le 16 oct. 2025
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