J'aime le cinéma de Godard mais je ne suis pas particulièrement fan du Godard de la Nouvelle Vague, son prime c'est les années 1990-2020. Rien ne m'a jamais autant ému que les dix premières minutes de Notre musique ou les deux minutes de Je vous salue, Sarajevo. Car, dedans, il a toute la beauté et toute la poésie qui font le cinéma. A bout de souffle n'est pas non plus son meilleur film de sa période Nouvelle Vague, Pierrot le fou, Le Mépris ou Une femme est une femme sont des films bien plus radicaux, et en couleur. Cela étant dit, parlons du film Linklater.


C'est une escroquerie. Une vaste blague, à laquelle, j'ai parfois ri... je me dois de le confesser, puissiez vous me pardonner mes péchés.


La prétention du film, c'est de faire un film à sur A bout de souffle et à la manière de l'esprit d'A Bout de souffle. Problème, ça ne remplit aucune des deux conditions. Premièrement, c'est un biopic convenu, qui ne raconte rien, qui n'existe que pour que quelques cinéphiles comme Tarantino puissent se toucher en se disant "waouh j'adore le cinéma... j'adore la copie parce que c'est comme Godard". Deuxièmement, dans sa forme, il ne suit pas l'esprit d'A bout de souffle. On le voit bien tout au long du film. Si on accepte de prêter trente secondes à ce que le personnage de Godard raconte, si on accepte d'arrêter de se laisser bercer par l'ambiance niaise du film, on réalise que Linklater produit l'exact inverse de l'esprit de son projet. C'est juste des plans en 1,37:1, noir et blanc avec des acteurs qui essaient d'imiter des personnages. Tout est planifié, rien n'est improvisé. Il ne filme pas le réel, il n'applique pas les codes de la Nouvelle Vague. Il fait quelques citations dont il est très fier... par-ci, par-là. Il fait semblant de faire comme Godard. Ce qui me fait fulminer, c'est qu'il donne l'impression de se planquer derrière les citations que nous sort le personnage de Godard sur "L'art c'est le plagiat ou la révolution". Clairement, on n'est ni sur la révolution ni sur un bon plagiat parce qu'il ne va pas au bout de sa propre démarche.


Le pire, c'est qu'il y a des semblants d'idées. Le flirt entre Belmondo et Seberg mais ça reste très secondaire. Pourtant, on voit qu'il se plait bien plus à filmer ça que le tournage en lui-même. Il y a quelque chose de presque touchant à les voir se draguer entre deux prises. Parce que pour le reste, c'est digne d'un biopic hollywoodien. On passe d'une scène à l'autre. Sans vraiment avoir d'enjeux parce qu'on sait déjà que le film va sortir et va changer le cinéma à jamais. Les personnages secondaires sont inexistants. Alors, on nous met plein du texte pour nous les présenter, pour nous faire croire qu'il y a un petit univers qui existe en coulisse mais on ne le voit jamais. On voit juste des acteurs qui ont un physique un peu semblables et qui tentent d'imiter de grands réalisateurs mais qui n'y parviennent pas. D'autant que c'est vraiment de faux caméos la plupart du temps. Par exemple, Jacques Demy et Agnès Varda apparaissent à peine cinq secondes mais on nous précise que c'est eux. Quel intérêt ? A part, pour refaire le meme de Di Caprio, en mode "j'ai la ref". C'est vraiment un film pour cinéphiles puants qui collectionnent des références plutôt que de construire un vrai projet esthétique. OUI MONSIEUR. Où est le projet esthétique ? Où est la poésie ? Où est le montage ? Où est le CINEMATOGRAPHE ?


On s'emmerde. C'est un film qui repose juste sur une ambiance pour cinéphiles nostalgiques, d'une période qu'ils n'ont pas connu, dans un contexte que le film ne nous donne jamais. C'est une collection de petites scénettes pour montrer l'arrière coulisse d'un film culte pour cinéphiles nécrophiles. Je pense vraiment que Linklater a attendu que Godard meurt pour faire ce film, histoire qu'il ne le défonce pas en personne. Comment veux-tu produire une réflexion sur le cinéma, c'est-à-dire ce que cherche à être ce film, en s'attaquant à Godard, à savoir le type qui tout au long de sa carrière a eu cette réflexion sur le cinéma, au point de faire Histoire(s) du cinéma ? (C'est un exemple parmi d'autres).


Ça aurait pu être un doigt d'honneur à la politique de l'auteur. En montrant comment un film c'est une œuvre collective du réalisateur en passant par les acteurs en allant aux techniciens. On pourrait avoir une analyse qui va dans ce sens, surtout avec la fin où Seberg donne une réplique qui lui est propre. Mais non, parce que les techniciens sont invisibles. Ils sont là mais n'ont rien à faire ou à dire. Pourtant, ils ont une petite bande de texte pour les introduire... mais ils ne servent à rien. C'est simplement de la branlette semi-intellectuelle pour cinéphiles letterboxd.


Pour autant, je me laisserai presque convaincre par le personnage de Godard. Si les autres personnages de réalisateurs ont, au mieux, une réplique sur leur conception du cinéma (vraiment allez lire Notes sur le cinématographe de Bresson) mais Godard lui a le temps de développer sa pensée. Enfin, plutôt le film a le temps de nous vomir sa pensée sur le cinéma. Et oui là, je reconnais bien le Godard que j'aime. Mais c'est dommage que ça sonne faux. Déjà, parce que c'est qu'une imitation et de deux, parce qu'il n'y a qu'un film de Godard pour délivrer des citations utilisées par Godard.


C'était nul. C'était faux. Mais si ça peut pousser les gens à aller voir un vrai film du vrai Godard, c'est un mal pour bien.

Adanberos
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le 11 oct. 2025

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