Quentin Tarantino, neuvième acte. Sans aucun doute l’une des plus grandes attentes de l’année, ce qui se confirma d’ores et déjà avec un afflux massif de curieux au Festival de Cannes. Et c’est donc en plein été, après avoir du faire preuve de patience, que les non-privilégiés purent enfin, à leur tour, découvrir le dernier-né du cinéaste. Once Upon a Time… in Hollywood s’annonçait plein de promesses. Un film sur le cinéma fait par un pur cinéphile, surtout Tarantino, avait de quoi rendre curieux. Et, aujourd’hui, la curiosité a payé.


Comment ne pas redire tout ce qui a déjà été dit sur Tarantino ? Ce cinéaste a su devenir l’un des plus réputés et les plus adulés de sa profession, grâce à des films marqués par une empreinte particulière, une sorte de signature construite à partir de multiples références et influences qui ont façonné son cinéma. Il n’a jamais hésité à référencer ses films, à pasticher les genres, comme les films de gangsters dans Reservoir Dogs (1992), les films de sabre dans Kill Bill (2003) ou bien le film de guerre dans Inglourious Basterds (2009). C’est ce qui fait sa marque de fabrique, quitte à déplaire à ceux qui ne verront en lui qu’un plagiaire qui reste dans sa zone de confort. Dans tous les cas, on ne peut que reconnaître l’aspect tranché du cinéma de Tarantino. Once Upon a Time… in Hollywood ne fera sans aucun doute pas exception, mais pas pour les mêmes raisons. Car, cette fois, la donne a changé.


Il semblerait que, depuis Les Huit Salopards (2016), le cinéma de Quentin Tarantino soit entré dans une nouvelle phase. Celle de la sagesse, de l’aboutissement et de l’accomplissement. L’ « apprenti », le cinéaste cinéphile qui suivait les traces de ses prédécesseurs, s’affirme désormais comme un grand, un cinéaste qui compte dans l’histoire du cinéma, et capable de porter ses propres œuvres. Alors que Les Huit Salopards condensait déjà toute la force de son cinéma en la transcendant et en l’affinant, Once Upon a Time… in Hollywood vient pousser la démarche plus loin en s’intéressant aux origines du mythe. Celui qui se permettait alors de parsemer ses films de références diverses, désormais adoubé et arrivé à un stade de sa carrière où il n’a plus rien à prouver, devient lui-même le narrateur tout désigné et privilégié de l’histoire de l’art qui le passionne.


Quentin nous invite à découvrir les coulisses du cinéma : les acteurs, les cascadeurs, les doublures, les techniciens, les réalisateurs, les producteurs… Nous voici à la découverte de tout un monde qui nous est ici présenté avec un amour certain et sincère. Car Once Upon a Time… in Hollywood est une déclaration d’amour envers le cinéma. Pas de critiques, de cynisme, de scandales. Pas le temps pour tout cela. Ici, Quentin nous fait découvrir ce qui l’a rendu cinéphile et qui l’a conduit à devenir cinéaste. C’est ce cinéma américain des années 50 et 60, du Hollywood « classique » avec ses stars charismatiques, ses personnages marquants, ce cinéma bis dans lequel il a puisé son inspiration… Un cinéma à la fois décalé et attachant, qu’il nous présente ici avec nostalgie et mélancolie. C’est l’éloge de l’amitié, entre Rick Dalton (Leonardo DiCaprio), la grande star qui a peur du déclin, et Cliff Booth (Brad Pitt), le cascadeur fidèle et cool, qui n’a aucun problème avec le fait de vivre dans l’ombre. C’est l’ascension de la jeune Sharon Tate (Margot Robbie) qui croque la vie à pleines dents et qui rêve de succès. C’est l’entrain d’un grand producteur (Al Pacino) qui cherche certes le succès financier, mais dont on montre ici surtout un attachement envers des personnages et des acteurs. Car, dans tout cela, c’est bien l’humain qui prime.


Le cinéaste ne cherche pas simplement à faire un état des lieux du cinéma en 1969. Il cherche à insuffler la vie dans les personnages de son film, à montrer que le cinéma est une affaire de rapports humains, que c’est un art qui sait être sincère, tout comme il agit comme un témoin privilégié de son époque. 1969, c’est une époque de bouleversements, c’est la fin de l’Amérique puritaine, c’est l’époque des Le Lauréat (1967) et des Easy Rider (1969), c’est la contestation envers un ordre établi, et le passage vers le Nouvel Hollywood. La télévision prend de plus en plus de place, on en consomme toujours plus, pendant que le cinéma se questionne. Avec Once Upon a Time… in Hollywood, Quentin Tarantino nous invite dans son antre, aux origines de sa cinéphilie, pour mettre en lumière tout ce qui fait la force de son cinéma, et la capacité que ce dernier a de toujours se relever, malgré les crises. Comme dit précédemment, il ne s’agit plus juste de citer directement ou indirectement des références. Certes, il n’hésite ici pas à citer ou à montrer des noms, des titres connus ou inventés. Mais il nous invite, quelque part, dans sa propre conscience cinéphile, dans son propre monde, à la source même de son cinéma, et du cinéma lui-même.


Il n’était pas simple de savoir quoi réellement attendre de ce Once Upon a Time… in Hollywood. Mais force est de constater que Quentin a, une nouvelle fois, été bien malin. Celui qui avait su imposer son propre style, au point de risquer de s’auto-parodier, a changé de cap. Il sait que réaliser des films dont on attendra que ce soit du Tarantino n’est pas une recette pérenne. La fougue du cinéaste ne s’est pas éteinte, mais il atteint ici une certaine forme de sagesse qui permet à ce neuvième film d’atteindre une sorte de consécration. Les excès et les coups de folie sont bien moins nombreux dans ce Once Upon a Time… in Hollywood, mais il parvient à créer une forme de poésie douce, sincère et touchante rarement vue dans sa filmographie. Une poésie mélancolique, dans ce tableau d’une époque qui s’achève, dans cette vision d’un cinéma en proie à l’ascension de la télévision, qui rend les esprits passifs et serviles, les abreuvant de violence et de sensationnel, alors que la jeune génération cherche plus que jamais ses repères et à construire un monde nouveau. Mais c’est aussi une poésie douce et heureuse, racontant l’innocence de ce cinéma d’époque, rendant hommage à toutes les personnes de l’ombre œuvrant à la réalisation des films.


Once Upon a Time… in Hollywood est un film difficile à classer dans la filmographie de Quentin Tarantino. C’est un film plus sage, plus personnel, fait avec le cœur et avec passion, où le cinéaste se livre et raconte sa vision (peut-être idéalisée mais belle) du cinéma et d’un monde auquel il a choisi de dédier sa propre vie. C’est aussi un film porté par ses interprètes, qui conviennent ici tous parfaitement aux personnages qui leur ont été désignés. Comme chaque film de Quentin, Once Upon a Time… in Hollywood va diviser, et il divisera surtout les fans du cinéaste, dont une part d’entre eux risquera sûrement de regretter une « patte » beaucoup moins visible. Mais, pourtant, Tarantino a rarement été aussi éloquent, et il nous gratifie ici d’un très beau film sur le cinéma, un film qui nous transporte pendant près de trois heures, puis que l’on emporte avec nous, en mûrissant son souvenir comme celui d’un moment d’allégresse et d’insouciance.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de Quentin Tarantino, Vus en 2019 : Aventures cinéphiles, Les meilleurs films de 2019 et Vus en 2020 : Une folle année cinématographique

Créée

le 15 août 2019

Critique lue 299 fois

11 j'aime

2 commentaires

JKDZ29

Écrit par

Critique lue 299 fois

11
2

D'autres avis sur Once Upon a Time... in Hollywood

Once Upon a Time... in Hollywood
Zeldafan70
4

What's the point ?

Telle est la question que je me suis posé lorsque le générique de fin a débuté et que les lumières du cinéma se sont rallumées. Une ode au cinéma des années 1970 ? Un éloge empli de mélancolie à ces...

le 15 août 2019

336 j'aime

36

Once Upon a Time... in Hollywood
Larrire_Cuisine
5

[Ciné Club Sandwich] Trois films offerts pour le prix d'un.

DISCLAIMER : La note de 5 est une note par défaut, une note "neutre". Nous mettons la même note à tous les films car nous ne sommes pas forcément favorable à un système de notation. Seule la critique...

le 17 août 2019

173 j'aime

24

Du même critique

The Lighthouse
JKDZ29
8

Plein phare

Dès l’annonce de sa présence à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, The Lighthouse a figuré parmi mes immanquables de ce Festival. Certes, je n’avais pas vu The Witch, mais le simple énoncé de...

le 20 mai 2019

77 j'aime

10

Alien: Covenant
JKDZ29
7

Chronique d'une saga enlisée et d'un opus détesté

A peine est-il sorti, que je vois déjà un nombre incalculable de critiques assassines venir accabler Alien : Covenant. Après le très contesté Prometheus, Ridley Scott se serait-il encore fourvoyé ...

le 10 mai 2017

74 j'aime

17

Burning
JKDZ29
7

De la suggestion naît le doute

De récentes découvertes telles que Memoir of a Murderer et A Taxi Driver m’ont rappelé la richesse du cinéma sud-coréen et son style tout à fait particulier et attrayant. La présence de Burning dans...

le 19 mai 2018

42 j'aime

5