Une recette qui s'émancipe, à la lisière du miroir

Ce nouveau film de Tarantino commencera sans doute par embrouiller quelques personnes, fans y compris, et c'est tant mieux.


Once Upon a Time... In Hollywood n'est pourtant pas difficile d'accès, complexe à tort ou même si original par rapport aux créations précédentes de l'auteur, il marque juste une étape supplémentaire et un progrès dans son chemin à mes yeux.


AU CINÉ DE TATA, SINCE 1992


J'ai découvert Quentin Tarantino avec une VHS de Pulp Fiction en avril 1996; ce film a été une étincelle majeure et une rencontre culturelle comme artistique essentielle dans ma vie.


Depuis, j'ai un peu suivi ce que ce réalisateur proposait, avec plus ou moins de distance et d'enthousiasme selon les époques.


Ce que je retiens surtout de ce nouvel opus dans l'univers Tarantino, c'est le caractère touchant de plusieurs passages du film.


Il s'agit au demeurant d'un long-métrage riche et très varié en émotions, ce que je trouve appréciable, et c'est peut-être par là que je pourrai au mieux décrire l'expérience que j'en ai fait; ce que j'ai peur de perdre à chaque nouvelle sortie de Tarantino et que j'ai presque toujours pris plaisir à retrouver (sauf pour Inglorious Basterds et Django Unchained), c'est un savoir faire ET un ton que je trouve original, abouti.


Tout le monde n'est pas réceptif ou n'arrive pas à suivre selon tel ou tel film de Tarantino, pourtant je considère que tout du long ou presque ce réalisateur a développé un langage, plus encore qu'un univers et des esthétiques, jusqu'à ce qu'on en arrive aujourd'hui à ce Once Upon a Time... In Hollywood dont émane selon moi une certaine puissance minutieusement orchestrée.


Pour moi, cette impression tient au fait d'un conteur arrivé à un autre degré de maturité, et qui en cours de route se sera voulu inclusif à l'égard de toutes les périodes de son développement pour nous parvenir avec ce que l'on découvre à présent.


L'OISEAU LYRE DES BAS FONDS


Bien sûr, et c'est frappant plus d'une fois, l'approche de la citation prend encore une autre ampleur dans ce film-ci et me réjouit car elle converge enfin vers autre chose que du DJing cinématographique un peu redondant, écueil presque toujours évité par le passé à mon avis car je reconnais personnellement une certaine intelligence dans le ré-assemblage des références et codes par Tarantino.


À ce titre, je trouve émouvant et en soi presque un conte de fée (si on ne gratte pas trop derrière la surface) d'imaginer ce Tarantino anonyme, fou de cinéma, nourri au cinéma, le même Tarantino qui a émergé avec la sensation Reservoir Dogs pour ensuite gagner la Palme d'Or en 1994, et remettre son titre en jeu avec notamment l'ambitieux Kill Bill, ce Tarantino de tous les âges et surtout de maintenant revenir nous apporter un regard humain et sensible, d'expérience sur les coulisses du cinéma sans jamais en faire du documentaire ni une simple toile de fond, toujours avec ce plaisir ludique et étudié de l'aventure, des atmosphères et bien sûr des dialogues.


Pour les gens connaissant le monde artistique professionnel, le milieu de la culture, beaucoup de choses esquissées, suggérées ici en disent long sur des réalités traversées par cette famille de professions et je n'attendais pas forcément le réalisateur sur ce terrain. Ici j'ai trouvé de l'affectif inédit, et donc encore une autre profondeur dans son approche des portraits.


C'est d'ailleurs aussi ce que j'aime avec Tarantino : qu'il m'étonne en prenant le contrepoint d'une attente inconsciente de ma part, qui aurait déjà été un peu trop calibrée par le reste de l'industrie. Ça ne fait pas de lui un révolutionnaire complet ou un génie, mais bel et bien lui-même par contre, quelqu'un capable d'amener autre chose et c'est déjà précieux.


Ici qui nous parle? Un amoureux de cinéma, qui a développé un savoir-faire qu'il s'est plu à confirmer dans une certaine richesse de registres mine de rien (il suffit de s'imaginer de combien de genres qu'ils soient d'auteurs ou populaires les films précédents de Tarantino sont le croisement), et qui arrivé en possession de ces moyens de faire du cinéma revient au sujet de cet amour, de son amour, revient aussi à sa propre carrière (des auto-références très franches mais brèves) et c'est là toute la beauté à mon sens, surtout navigue constamment entre l'illusion du réel et la présence de l'imaginaire pour nous parler à une longueur d'onde très particulière.


L'OMBRE ET LA LUMIÈRE


Cette dualité omniprésente tout du long de Once Upon a Time... in Hollywood est de mon modeste point de vue un atout majeur car il permet l'enchevêtrement d'humeurs, d'informations, de registres assez opposés voire qui auraient pu sembler hors-sujet ou incohérents les uns pour les autres sans cette capacité d'architecture singulière propre à Tarantino et à nouveau démontrée pour le coup.


On trouve l'ambivalence dans le choix du sujet (réécrire l'histoire, encore?) ainsi que dans le duo de premiers rôles évidemment, mais elle se glisse à bien des égards.


Ce jeu de contraste déroulé pendant 2h40 qui prennent le temps nécessaire d'installer les suspens, les tensions, valoriser les séquences-clé pour donner une consistance utile à tout ce qui compose le récit sont aussi l'un des moyens par lesquels Tarantino conserve une place à part dans mon estime, puisque je sens l'amour du travail bien fait, d'un équilibre même dans le grotesque et la démesure, tout ça est très étudié sans être excessivement technique ou formaliste, je dirais presque "pour de bonnes raisons" en tout cas cela a fonctionné sur moi.


Je ne veux pas en dire trop, ni plus, ça se découvre.


Évidemment c'est du Tarantino, tirades improbables, gros moments d'acteurs, musique percutante, casting parfait, plans / montage / composition riches et précis, efficaces, éclats de violences significatifs par endroits donc on ne peut pas réellement considérer que le film prendra les gens à rebrousse poil.


C'est juste précisément parce qu'il réutilise tout, de lui-même, d'ailleurs, pour autre chose qu'ici Tarantino est important d'un point de vue culturel, intéressant pour le spectateur que je suis et que je lui dis merci d'avoir sorti un film pour mon anniversaire, surtout celui-là : c'est trop chou :0

Gramul_Zlou
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le 14 août 2019

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