Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, couronné d'une Palme d'Or en 2010, est une belle synthèse du cinéma de Weerasethakul, évoquant de nouveau fantômes du passé, comme réincarnations de l'au-delà et regard sur l'existence humaine.


Travaillant toujours aussi bien le son comme les cadres, le cinéaste thaïlandais évoque davantage pour ce film, la peur de l'oubli après la mort. Comme un humain qui traverse une époque, disparaissant après, l'oncle Boonmee s'interroge sur ses actions quotidiennes, comme l'héritage qu'il laissera à sa famille. A l'occasion d'une magnifique scène de repas où le personnage revoit son fils sous la forme d'un singe (à rappeler Tropical Malady) et sa femme en fantôme, c'est le dialogue d'un homme se préparant à affronter la mort.


D'un regard mélancolique comme mystique, la princesse regardant son reflet comme ce qu'elle aurait voulu posséder dans sa vie, le film ne cesse d'alterner entre le réconfort dont le personnage ressent le besoin, comme ses peurs les plus diverses. La jungle comme espace de fantômes où les singes les plus proches du personnage lui rendent visite, l'environnement naturel reste le terrain de la réincarnation humaine, quelle soit animale ou végétale.


Mais Oncle Boonmee complète également en un sens ce que Tropical Malady laissait entendre vis-à-vis de l'après-vie, de cet au-delà que le personnage craint. Ainsi, les fantômes ne seraient aperçus que par leurs proches, et non pas par le monde en général : soit une parfaite suite thématique au film précédent, Syndromes and a Century, puisqu'à chaque souvenir personnel, une marque d'une personne proche dans l'esprit et l'âme de son prochain que l'on reverra après son passage sur Terre.


L'épilogue du long-métrage peut être interprété de deux manières. Avant de mourir, le personnage fait part de son rêve qui le hante, celui dans lequel la société toute entière récupérerait les souvenirs de tous ainsi que les informations sur l'identité des personnes, pour les faire disparaître ensuite de l'Au-Delà, de ce monde spirituel. Hôpital gigantesque immaculé de blanc, comme chaman et moine prisonnier de règles imposées, c'est le risque d'une modernité qui préfère l'ordre à la compassion comme à l'écoute, ce qu'évoquait déjà Syndromes and a Century.


Soit la famille écoute attentivement ce que la télévision lui dit, quitte à mentir ou démystifier la réalité, soit elle choisit de prendre repas et d'écouter la parole de l'autre. C'est l'aveu du réalisateur sur ce qu'il entreprend dans son cinéma : dépeindre le vrai de son pays, des coutumes aux plus anciennes croyances. Autrement dit, de restituer la représentation du monde et de la vie telle qui la saisit et la ressent quotidiennement. Une sincérité des plus touchantes, retranscrite à chaque plan.

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le 16 nov. 2021

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William Carlier

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