Mardi dernier après avoir regardé « Nick’s Movie » dans lequel Jim Jarmusch a bossé en tant qu’assistant réalisateur (pur coïncidence, c’était pour les cours). Je suis allé voir un film qui m’a terriblement donné soif. Un film sur des artistes qui ont vécus des siècles, des artistes qui ont tellement vu, tellement fait… Et pour cause le dernier Jim Jarmusch a pour principaux protagonistes des Vampires. Des vampires ? Après qu’ils aient été travestis en des êtres inconsistants, vides de charismes, et terriblement monomaniaques ? Et oui… mais nous avons notre sauveur ! «Only Lovers Left Alive ».

« Only Lovers Left Alive » ce n’est pas une histoire, juste une tranche de vie de quelques vampires mais surtout d’Adam (Tom Hiddelston) et d’Eve (Tilda Swinton). Des artistes qui figés dans le temps traversent les siècles vampirisant la culture qui les entourent et la transformant ensuite. Seulement voilà nous sommes au XXIème siècle et Adam musicien de génie terriblement blasé de ce monde, décide d’en finir. La pollution des eaux, la malbouffe et les drogues contaminent le sang qui n’est plus aussi pur qu’autrefois. Il ne peut plus se cacher aussi facilement et il est condamné à rester reclus à Detroit totalement abandonné depuis la crise financière. Il demande donc à Ian, son ami et refourgueur « Zombie » (traduisez humain) de lui confectionner une balle calibre 38 avec le bois le plus pur et le plus dense qui puisse exister. Peu après il reçoit un appel d’Eve installée à Tanger. Il la supplie de venir le rejoindre, ils sont amants. Elle accepte et après avoir pris bons nombres de ses livres part le rejoindre.

On retrouve ensuite le style du réalisateur, celui de raconter un cycle et de mettre en scène des personnages marginaux et maniérés. Pour le coup je pense qu’à travers ces êtres nocturnes, hypnotiques par essence et marginaux par condition, Jarmusch a trouvé la représentation la plus juste de son cinéma. Alors autant prévenir tout de suite le cinéma de Jarmusch c’est un cinéma où il ne se passe pas grand-chose et même si ce sont des personnages folkloriques à l’écran, ne vous attendez pas à une ascension sur le plan scénaristique. Jarmusch développe l’ambiance au détriment du scénario et autant le scénario ma fortement déçu, autant j’ai adoré l’ambiance (Uhm logique non ?).

Ça tombe bien l’atmosphère qui régnait autour des vampires était devenu assez nauséabonde et ils avaient sacrément besoin d’un coup de lifting après ce qu’on leurs avaient fait subir. Ici on retrouve des vampires cabalistiques, Dandy et aux attitudes maniérés (à une exception). Ce sont des personnages presque sages transcendés par le recul lié à l’immortalité. Ils vivent dans des espaces qui leurs sont propres où le contemporain se mêle à l’ancien. J’ai dit « presque sage » car de ce recul est également né leur suffisance face aux « Zombies », nous.

On en vient à mon second reproche. Le parallèle que Jarmusch fait entre l’artiste et le vampire n’est pas anodin et je déteste partiellement la vision qu’il peut en avoir. J’aime le côté dandy maniéré, j’aime le côté vampirisant, le côté insaisissable mais je déteste foncièrement son attachement à la marginalisation, « être mainstream ça craint, être en marge c’est trop cool » (dixit Félix, c’était parfait comme résumé). Ça peut faire le charme du film le côté Arty Dandy mais moi je n’accroche pas.

C’est dommage car sans cela l’ambiance de ce film est terriblement cool. Les acteurs sont hypnotiques (rien que les yeux de Tilda Swinton…). Les plans sont beaux, on retrouve les images qu’on pouvait avoir dans « Night on Earth » avant chaque scénette, une suite de plans magnifiques sur des immeubles/maisons disséminés dans la nuit avec le ciel étoilé comme toile de fond. Les intérieurs fouillés, à l’ambiance brumeuse sentent réellement le vécu et on ressent clairement le poids des années. J’ai adoré le plan à l’introduction avec la caméra qui tourne au rythme d’un vinyle. Tout cela est d’ailleurs accompagné d’une musique à en jouir. Un mélange de rock underground, avec des sonorités classiques et orientales. Bref j’ai adoré l’ambiance et j’ai détesté le propos, Too bad.
pocky
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le 21 févr. 2014

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