"Oppenheimer" est arrivé sur nos écrans avec une grande stratégie marketing : "La bombe est réalisée sans CGI", "Venez découvrir le film dans sa version originale en pellicule", "Le Barbenheimer, nouveau multivers du cinéma", bref, les recettes du film sont monstrueuses, et les files d'attente (du moins à Paris) sont gigantesques, avec des salles pleines à craquer.
Mais est-ce que toute cette hype est justifiée ?
Évidemment, il est devenu un poncif de dire que Nolan est un immense cinéaste. Il suffit d'avoir vu la trilogie des Batman, Interstellar, Memento ou Inception pour s'en rendre compte. Tous ces films ont un point commun : la technicité du réalisateur mise en avant parfois de manière excessive. Cependant, lorsque ce besoin de nous montrer tout son talent est trop appuyé, on se retrouve avec des ratés comme Tenet ou Dunkerque (Ceci reste mon avis, mais je pense objectivement ne pas trop me tromper en disant cela). Alors, lorsque son prochain projet est annoncé comme un biopic historique sans super-héros, sans scénario de science-fiction décousu, sans "grand spectacle", j'ai été assez dérouté et je me suis demandé : "Qu'est-ce qu'Oppenheimer gardera de Nolan ?"
Pour répondre à cette question, commençons par ce qui fait d'Oppenheimer un film de Nolan pas du tout dans le style habituel de Nolan. Cela peut paraître étrange, mais laissez-moi m'expliquer : Oppenheimer est un véritable biopic sur un homme, certes extrêmement important, mais qui n'a pas eu une vie privée grandiose, extraordinaire ou autre. Robert Oppenheimer était un "simple" physicien américain, père de deux enfants, à qui on a confié un rôle bien trop important, non seulement pour lui, mais pour toute une nation. Et c'est exactement lorsqu'on comprend cela durant les premières 40 minutes du film que l'on se rend compte qu'Oppenheimer ne sera pas grandiose visuellement, mais narrativement.
Christopher Nolan a décidé de nous offrir un film politique de 3 heures, où la grandeur du cinéaste ne sera pas prouvée par des prouesses techniques, mais par une direction d'acteur aux petits oignons, un montage extrêmement précis (même s'il peut parfois être un peu déroutant, mais on en reparlera), par le souci du détail, que ce soit visuellement, d'un point de vue historique, au niveau du montage sonore, de la bande originale. Bref, Oppenheimer a rayonné pour moi par sa capacité à créer l'une des expériences les plus immersives que j'ai pu vivre dans une salle de cinéma. Je n'ai pas détaché les yeux de l'écran une seule seconde !
Évidemment, cette immersion exceptionnelle est également due à la qualité monstrueuse de chacun des acteurs et actrices présents dans le film. Je ne vais pas vous parler de chacun d'eux, car sans exception, ils sont tous au sommet de leur forme. Mais je me dois de dire deux mots sur la performance inoubliable de Robert Downey Jr ! C'est simple, chacune de ses apparitions est une immense claque pour tout le casting (pourtant déjà énorme). J'ai toujours aimé Robert Downey Jr sans jamais être transcendé par son jeu, mais là je pense qu'il se lance dans une nouvelle phase de sa carrière qui risque d'être assez monumentale. Donnez-lui un pu**** d'Oscar !
Je pourrais vous parler pendant des heures de la qualité de la mise en scène du film, de sa capacité à nous captiver au moindre dialogue, de son dernier tiers tout simplement remarquable, mais cette critique n'en finirait pas.
Vous l'aurez compris, la face visible de l'iceberg qu'est ce film est pleine de qualités et objectivement sublime. Passons maintenant à sa face immergée...
Le marketing est le pire ennemi de l'industrie cinématographique, et je pèse mes mots ! Comme je le disais au début, Oppenheimer a été vendu et sur-vendu comme un film de Nolan, donc comme la possibilité de retrouver un film aussi impressionnant que tous ceux cités en début de critique. Et si cela n'est pour moi pas un défaut en soi (c'est d'ailleurs le contraire), la structure du film et sa dynamique risquent d'en dérouter plus d'un. Je ne dirais rien, mais "Coucou la fameuse explosion nucléaire" !
Vous vous souvenez quand je vous parlais de l'énorme qualité du montage ? Et bien c'est aussi son plus grand défaut : le film nous ballade d'une timeline à une autre de manière parfois bien trop brutale et surtout inutilement décousue, comme si Christopher Nolan avait encore une fois besoin de prouver quelque chose. Et cela n'aide pas quand, en plus du besoin d'être extrêmement concentré sur le moment où l'on se trouve, le film nous inonde de noms à tout va, j'avais l'impression de me retrouver dans un épisode de Game of Thrones ! Autant vous dire qu'il va vous falloir être accroché pour ne pas perdre une miette de ce que l'on vous raconte.
C'est dommage car finalement, Oppenheimer rassemble bien plus de qualités que de défauts, mais ces derniers sont trop importants pour que le film soit un réel chef-d'œuvre.
C'était long, hein ? Bon allez, je vais conclure.
Oppenheimer est certainement le film le plus éloigné de l'image que l'on peut se faire de Christopher Nolan, et c'est une bonne chose ! Quel bonheur de voir un réalisateur essayer autre chose, qui ne se cantonne pas à faire ce qu'il sait faire (Je te vois Wes Anderson). Malheureusement, c'est souvent quand on essaie que l'on se trompe, et dans son cas, Nolan n'a pas réussi à totalement se dégager de ses démons. Pourtant, je peux vous dire qu'Oppenheimer fait partie de mes trois films préférés de sa filmographie, et autant vous dire qu'il n'est pas troisième.
Vivez l'expérience !