J’avais quand même réussi à le rater en salle, faut le faire. Mais là, vu la moisson d’Oscars qu’a récoltée Nolan, je ne pouvais plus différer. Surtout qu'au générique, casting incroyable ; pourtant, depuis Inception, quinze ans quand même, on devrait être habitué à ce que l’expression "brochette de stars" rime avec "Nolan."
Mais je le dis d’emblée : je n’aime pas. C’est empesé, emphatique, limite prétentieux ; c’est rythmé par cette musique omniprésente et incessante, qui confine au tic (l'action n'est pas continuellement dramatique) ; c’est, finalement, assez vain.
Je viens d’énumérer des traits du cinéma de Nolan qui, trop accentués, risquaient de faire basculer un film du côté du maniérisme le plus désincarné : on y est.
Pour moi, tout n’est bien sûr pas à jeter : je mentionnerai spontanément la performance de Robert Downey Jr, que je n’avais jamais vu dans un grand rôle dramatique, et qui est extraordinaire.
Son Oscar me paraît plus mérité que celui de Cillian Murphy, qui m’a paru figé et inexpressif.
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Il serait assez vain de résumer l’intrigue, tout le monde connaît le rôle historique de J. Robert Oppenheimer : la conception de la première bombe atomique, la bombe A.
Celle que les États-Unis utiliseront contre le Japon, pour précipiter la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Étant donné le caractère d’évidence de ces faits — dont la reconstitution occupe bien sûr la majeure partie du film —, Nolan a opté pour le procédé de la narration enchâssée — et même, doublement enchâssée — où ce récit principal est encadré, pour ainsi dire, par deux "procès" ou approchant :
- l’un, nous présente la relation d’une investigation à charge menée contre Oppenheimer par les autorités de son pays, pour ses supposés liens avec l’URSS ;
- l’autre, le congressional hearing de Straws (ledit Robert Downey Jr), qui suit chronologiquement l’investigation susmentionnée.
Dans Inception, on avait une série vertigineuse de récits emboîtés, sur ce principe de l'enchâssement. Ici, donc, on en a deux. C’est moins complexe, et on comprendra à la fin de quelle façon fonctionne ce double enchâssement.
C’est assez virtuose, aussi, c’est du Nolan, mais ça ne l’est pas assez pour dissiper cette impression de vanité, et même, j'ose écrire, de vacuité de l’entreprise.
À quoi bon proposer aujourd’hui le portrait d’Oppenheimer ? Pour dire qu’il porte la responsabilité de l’entrée du monde dans l’ère atomique et du Mutual assured destruction, le bien nommé MAD ?
L’enjeu du film, son propos, demeure vague. S'agit-il, à l'heure de l'intelligence artificielle, d'un rappel salutaire pour nos consciences vaguement informées ? Rien ne le dit.
Tout cela n’est pas sans intérêt, bien sûr, bien sûr. J'aurai sans cesse fait cette concession, tout au long de cette mini-critique.
Mais mon sentiment dominant à l’issue du film demeure un franc "à quoi bon ?"
(Ah oui, Rami Malek débarque à un moment en pur deus ex machina : on ne l’a vu que fugitivement auparavant, une seule fois, et là tout a trac, son rôle est capital… totalement incohérent.)