Je n'ai pas de jeu de mot ni de référence intelligente à faire pour le titre de cette critique

Qu'un tel film ai eu la Palme d'or m'est incompréhensible. Enfin si, je le comprend, ça vient d'une fascination de l'époque pour l'exotisme, pour un regard d'Occidental (le film étant réalisé par un français) sur une culture inconnue de là-bas. Comprenez, les couleurs, les vêtements, la reconstitution du carnaval, c'est "authentique", ça dépayse. Car si le film fait parfois preuve de tendresse envers ses personnages, la plupart du temps il s'agit avant tout de montrer les favelas sous un jour festif, de carte postale mouvante presque, en occultant totalement la pauvreté qui y règne. Comprenez-moi bien, le problème n'est pas qu'elle n'est pas montrée, c'est qu'elle ne semble pas exister.


Cette Palme est il est vrai sûrement aussi due à l'aspect "naturaliste" du film, interprété par des acteurs peu connus et du pays, voire quelque part dans un désir de progression contre le racisme. Et puis, forcément, c'est aussi dû à l'originalité de la transposition du mythe d'Orphée dans ce contexte social et réaliste, à son aspect poétique. A vrai dire, je me dois de là aussi m'opposer à cette soit-disant réussite : la poésie du film ne fonctionne vraiment qu'à la fin, à partir de la mort, annoncée de base si on connait le mythe, d'Eurydice. Mort par ailleurs ridicule, car c'est Orphée lui-même qui en est responsable par accident électrique (sans jamais réfléchir à sa responsabilité, preuve supplémentaire de l'égoïsme du personnage, mais j'y reviendrai plus tard).


Mais à part cette mort, il faut bien être sincère : la fin est superbe et vaut quasiment tous mes points à ce film. On y retrouve enfin un vrai lyrisme qui rassemble majestueusement la force du théâtre, du cinéma et du portrait bienveillant mais réaliste des favelas brésiliennes. Une telle réussite des 20 dernières minutes est même surprenante tant elle dénote avec le ridicule de ce qui la précède. Car oui, entre l'histoire d'amour instantanée auquel je n'ai pas cru une seconde (certes il s'agit de la transposition d'une histoire mythologique, mais ça n'en reste pas moins un film, avec des personnages qui ont une vraie présence issue de la réalité, y compris dramatique), les notes d'humour volontaires mais sexistes, et les notes d'humour involontaires entraînées par le personnage de la mort (qui se bat comme les personnages de Tekken, et c'est véridique, j'ai reconnu un move), Orfeu Negro est souvent ridicule.


Et parlons-en tiens, du sexisme. C'est je pense, au-delà de tout contexte dont je me fous (car un tel sexisme aurait été remarqué aujourd'hui, donc aucune raison que je ne le remarque pas pour celui-ci, classique ou non), un des films les plus sexistes que j'ai pu voir. Sérieusement, il y en a une nouvelle preuve toutes les 30 secondes pendant les 2/3 du film, et ça concerne tous les personnages y compris Orphée (qui est, au demeurant, un personnage méprisable, alors que le film passe son temps à le magnifier).


C'est même incroyable car sans le faire exprès et par un concours de circonstance fortuit, en intégrant le mythe d'Orphée à une reconstitution globalement sociale, le film en fait même presque l'apologie : l'héroïne arrive au Brésil et se sent agressée par tous ses hommes qui la sifflent et tentent de danser avec elle, puis on apprend plus tard qu'en fait c'est parce que de là où elle vient, un homme (la mort en fait) n'arrête pas de la suivre pour vraisemblablement la tuer. Mais visiblement, ici, les hommes ne font ça que pour coucher avec elle, donc elle n'a rien à craindre. Je précise que je cite quasiment noir sur blanc ce qui est dit par les personnages. Et sans atteindre cet exemple criant, la majorité du film reste dans cet acabit.


D'autres critiques sauront bien mieux que moi vanter les mérites (bien minces à mon sens) du film, mais voilà, je ne pouvais pas laisser la fiche de ce film sans mention de ces défauts nulle part. Ce qui me laisse franchement perplexe, mais soit, au moins c'est fait.

Antofisherb

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