Orozco the Embalmer
6.5
Orozco the Embalmer

Documentaire de Kiyotaka Tsurisaki (2001)

Apparemment le truc de Kiyotaka Tsurisaki, c'est de réaliser des 'chockumentaires', des docu choquants, consacrés aux morts ; il aurait également fait de la photo toujours sur le même sujet. J'avais entendu parler de ce film et j'étais donc content de le trouver. Par contre j'avais un peu peur de le regarder ; un contact facebook m'a un jour montré une vidéo d'un type se faisant tuer à la machette dans un pays en guerre, je ne sais plus lequel, c'était assez horrible (les barbares lui coupèrent d'abord les bras, une jambe puis la tête, le plus terrifiant était le silence résolu de la pauvre victime) ; j'étais donc un peu mal à l'aise à l'idée de lancer un film où un type embaume des cadavres.


Bizarrement ça m'a moins choqué. Peut-être parce que les embaumés sont déjà morts, qu'on ne voit pas la lueur s'éteindre dans leurs yeux. Cela n'empêche pas de trouver certaines scènes fortes (ayant actuellement un problème à l'œil, la séquence avec le second embaumeur qui remet les yeux correctement m'a fait frissonner), mais lorsque Orozco ouvre le premier corps face caméra, ça se fait naturellement, sans trop de crainte, malgré les tripes qui s'en échappent. Finalement, le corps reste assez propre, c'est le sang qui rend le tout horrible, mais là comme les cadavres n'en ont plus beaucoup, du moins à l'état liquide, une fois lavés, c'est assez correcte, pas plus terrifiant que de voir des tripes animales en boucherie.


La narration ne m'a pas totalement convaincu. L'auteur mêle à la fois ce documentaire sur cet homme au métier si particulier et un autre sur la misère ambiante, la pauvreté des gens vivant dans ces bidons villes (on voit au loin une ville riche à un moment) ; ce qui m'a dérangé, ce n'est pas le côté glauque et pessimiste (c'est traité avec distance, on peut même percevoir un peu d'humour par moment), c'est plutôt le fait que lier ces deux thèmes n'a pas trop d'intérêt. Certes, Orozco nous parle un peu de ces gens qu'il embaume (il semble connaître certains d'entre eux), mais comme il est assez peu bavard, le discours est bref... et voir les gens vivre au quotidien, c'était finalement assez ennuyant. Il est dommage aussi que le réalisateur ne pose pas plus de questions sur la pratique de Orozco ; ainsi, certains gestes ne sont pas vraiment expliqués, ou alors l'auteur se permet de questionner à la fin de son film (j'ignore s'il a voulu respecter la chronologie des images, mais il me paraît évident que l'un des derniers cas où il se montre plus explicatif aurait dû être présenté en début de film, ça n'aurait pas gêné la compréhension du film). Il est dommage aussi que l'on n'en sache pas plus sur Orozco au final, surtout après l'évolution surprenante à la fin (on ne s'y attend vraiment pas), mais du coup pourquoi pas d'embaumement ? Des questions sans réponses, ce n'est pas forcément un mal ceci dit. Mais le portrait paraît bizarre : les rares personnes interviewées le décrivent comme une personne gentille, mais lorsqu'on le suit, difficile de dire s'il l'est vraiment ; il n'est pas méchant non plus ceci étant dit. Disons qu'on reste sur sa faim.


La mise en scène flaire l'amateurisme ou le jem'enfoutisme ; c'est-à-dire que le réalisateur filme comme bon lui semble, sans se préoccuper de la photographie ni de la fluidité pour le montage. C'est filmé un peu à l'arrache, monté sauvagement. Les images restent intéressantes car les lieux, photogéniques, sont bien restitués, et puis il y a cette qualité d'image qui renforce le côté sordide de ce à quoi on assiste. Enfin, les cadavres sont bien filmés, de même que les embaumements. Et la bonne idée aura été d'aller voir comment procède un autre embaumeur. Les intervenants ne sont pas très bavards, ce qui rend le tout encore plus étrange (ceux qui observe Orozco en restant dans leur coin par exemple).


Enfin, on appréciera le coup de la ceinture, c'est sans doute le fusil de Tchekov le plus intéressant que j'ai pu voir ces dernières années : on nous montre son utilité dans la profession de Orozco, mais lorsqu'on apprend comment il l'utilisait sur lui à la fin du film, c'est très surprenant.


Bref, chouette petit docu, dommage que ce soit un peu maladroit par moment, mais ça reste assez fascinant d'un bout à l'autre.

Fatpooper
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le 27 nov. 2021

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