Que les animaux mignons occasionnent des réactions souvent disproportionnées chez ceux qui les regardent n’est pas nouveau, semble aujourd’hui à ce point ancré dans notre quotidien qu’on ne s’étonne plus de voir un poncif consumériste gagner les écrans de cinéma, non pas en qualité de publicité mais bien de film à part entière. Oscar et le Monde des chats pousse le gamma très loin et livre un univers peinturluré de mille et une couleurs qui donnent l’impression de contempler un bonbon Arlequin de trop près. Pourtant, derrière cette outrance chromatique et graphique se cache un constat amer sur la place qu’occupent de nos jours les animaux domestiques – mais reste-t-il des animaux véritablement sauvages ? – dans nos sociétés urbanisées. Un chat dans un sac poubelle est jeté aux ordures, manque d’être carbonisé dans l’incinérateur d’une décharge. Ça rappelle Toy Story 3 qui aurait croisé le chemin de Comme des Bêtes.


Le souci, c’est que ce constat, aussi judicieux soit-il, ne bénéficie pas d’un traitement en profondeur, si bien que les scènes a priori coup de poing ne le sont guère, prises dans un mouvement vers l’avant qui en neutralise la portée politique et l’impact dramatique. Obsédé par la vitesse d’exécution qui, seule, semble capable de maintenir éveillé le cerveau de jeunes enfants décérébrés, le film refuse la mise en place : tout s’enchaîne sans souffle ni préparation préalable, et la mécanique logique de l’action – et de la quête en général, soit la mention d’un objectif et les tentatives déployées par le héros pour le réaliser – donne l’impression d’une atrophie générale de la causalité. Primat de la rapidité sur la réflexion, de l’impulsivité sur la construction, Oscar et le Monde des chats file à toute allure sans raison, embarque de force une rétine passive, rebute aussitôt une plus critique. Car le dynamisme exacerbé divulgue mal les carences relatives à la caractérisation des personnages qui sont dépourvus de profondeur émotionnelle : aucune relation ne tient la route, et il faut attendre le terme du voyage pour enfin percevoir l’amitié ou l’amour. En d’autres termes, les protagonistes n’évoluent pas ou que trop peu : le mouvement vers l’avant ne se solde par aucun véritable apprentissage, en dépit des sentences pseudo-philosophiques bazardées en guise de clausule et dont on peine à saisir portée et pertinence. À force de vouloir en mettre plein la vue, on oublie qu’il faut donner quelque chose à voir.


Heureusement, le film égraine quelques idées de mise en scène plutôt intéressantes, à commencer par la recherche d’une caméra (virtuelle, certes) comme plongée dans le chaos d’une ville : le cadrage est volontairement approximatif et peine à embrasser la linéarité des mouvements. Il faut couper ou accepter de perdre le trajet du parapente rouge, ce qui mime assez bien l’immersion de personnages étrangers dans un microcosme urbain désorientant. Certains plans se limitent également à une petite partie d’un espace plus vaste, à l’instar du corps de l’antagoniste principal dont nous ne percevons, de prime abord, que le tablier de forgeron ainsi que le menton menaçant. Oscar et le Monde des chats n’impose donc qu’une faible identité artistique qui, en dépit de certaines qualités et d’une technique de qualité, peine à se démarquer du tout-venant de la production animée contemporaine.

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le 28 nov. 2019

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