Écumant de rage
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Oui, pour moi, c'est "non !"
Le spectre de Godard hante le film (lui dont la question palestinienne a travaillé l'Œuvre depuis Ici et ailleurs (76)). Or, chez J.-L. G. , le cinéma est une fin et non pas un moyen. Lapid fait là de sa mise en scène un moyen pour exprimer sa rage militante (et c'est tout à son honneur citoyen), là où Godard faisait du cinéma une fin pour, tout en accusant l'injustice de l'Histoire, sauver le monde de sa laideur par l'opération même du cinéma. Dans le dernier cas, le spectateur sort tout aussi révolté de la violence du réel et a les moyens de s'en racheter (par la "grâce" du cinéma). Or, par sa laideur sciemment orchestré, le film de Lapid oppose un horizon bouché à la Guerre de Gaza.
Le noeud de ce qui distingue Oui du génie des films militants de Godard (notamment de l'époque de son retour à l'industrie, à partir de 80), c'est la littéralité de la métaphore chez Lapid. Godard, chantre de l'esprit de contradiction, maniait par le beau souci du montage l'art moteur et dynamique de l'ironie dialectique. Lapid, au contraire, tient à ce que sa rage soit saisie sans détour, et, dans la frontalité de sa diatribe, manque de subtilité (mais les temps de guerre se prêtent peu à ces raffinements) et d'ampleur (c'est plus embêtant pour un film qui vise au magnum opus).
Là même où, politiquement, le film rate son intention poétique, c'est qu'à l'excès de Netanyahou, il répond par un autre excès, formel ; à l'inverse des grands maîtres du cinéma contemporain - Tarr, Costa, Diaz, Wang... - qui savent combien l'art, pour damer le pion à l'avanie du réel, doit jouer sur un autre tableau, en embrayant d'autres vitesses que celle que la cruauté politique impose aux artistes (un des sujets même de plusieurs séquences outrancières).
Malgré tout, le film a l'audace maïeutique d'être une oeuvre juive célinienne : dans sa manière d'inventer une forme en prise avec les sursauts du réel, comme Céline écrivait une langue en prise avec les bégaiements de l'oralité ; dans sa façon de faire de la bile le carburant du récit ; dans son choix d'appeler son protagoniste, Y., comme le professeur du court texte de 55, Entretiens avec le Professeur Y..
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Créée
le 5 oct. 2025
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