Oxygène
5.8
Oxygène

Film de Alexandre Aja (2021)

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« Aimeriez-vous un sédatif ? » Nul besoin de le rappeler, OXYGENE nous l’administre déjà à chaque rebondissement, à chaque variation de son scénario (trop) calibré. Paradoxe d’un film sous sédatif qui chercherait à construire une tension, une oppression, sans jamais parvenir à produire un sentiment claustrophobique. La source du problème : ce scénario qui peine à convaincre ; en dépit d’une analogie « confinée » à notre actualité. Si le postulat d’origine semblait intriguant – ou tout au plus mystérieux –, il n’arrive aucunement à tenir sur la longueur. Pourquoi Christie Leblanc s’est-elle empêtrée dans ce pseudo-survival interminable ? Grande question, tant cette séquestration futuriste ne mène à rien si ce n’est à un voyage invraisemblable vers l’indifférence la plus totale. Si l’écriture peut paraître intelligente, elle n’en demeure pas moins vaine à force de multiplier les « tours de force » et autres petites pirouettes narratives. Car le sens de la péripétie ne fait pas nécessairement un film efficace. Ici, le résultat apparaît déséquilibré, brinquebalant et tient plus de la fable métaphysique que du survival bien retors. Et c’est paradoxalement en voulant apporter une issue, une porte de sortie, des explications qu’OXYGENE perd en force dramatique et finit par s’atrophier. Le film s’embourbe alors dans une seconde partie (un peu trop) explicative, qui pousse le film vers d’autres sphères, plus lointaines mais moins sensorielles. Et à ce stade, on peut dire que notre indifférence s’est déjà bien installée dans le fauteuil ; malgré toutes les démarches ridicules entreprises par la scénariste pour capter notre attention.


OXYGENE ne manque pourtant pas d’intérêt du point de vue de la pure mise en scène : un panoramique circulaire répétitif et angoissant, ce jeu sur la mise au point et sur le flou, sur la mise en espace et la profondeur de champ au travers de l’usage d’une interface (sacré MILO et la voix suave de Mathieu Amalric) ; c’est peu dire qu’Alexandre Aja s’amuse, comme un gamin dans un bac à sable, à modeler son espace et à explorer son caisson futuriste en variant ses prises de vue. Il arrive ainsi à créer une belle dynamique pour interroger son espace, ses mystères et ses potentialités. Mais est-ce suffisant ? Ou plutôt est-ce adapté ? Car tout est mis au service du mouvement dans un espace qui le limite. Là encore, un paradoxe. Comme une volonté d’aérer le huis-clos, de le rendre soutenable, supportable ; une mise en scène qui permet d’ailleurs de rendre l’expérience narrative bien moins désagréable. Mais pourquoi perdre la viscéralité de quelque chose qui devrait être (presque) exclusivement au service d’un étouffement ? Peut-être pour épouser l’espoir qui anime celle qui tente de survivre ou une manière de souligner son adaptation à l’espace qui devient la nouvelle norme de grandeur ? Après tout, pourquoi pas. Reste ce travail sur la lumière plutôt intéressant ; avec cette froideur artificielle – bleuâtre et pâle – à la fois apaisante, puis rapidement, étouffante. Mais il est triste de voir OXYGENE être victime de cette « suffisance respiratoire » et de ce climat presque apaisé qui en vient à propulser le film à des années-lumière de son potentiel suffocant. On aimerait pourtant pouvoir étouffer avec elle, ressentir cette pression du temps réel qui s’écoule et ne se rattrape pas. On aimerait tout simplement « vivre » l’émotion plutôt que de la voir, à distance, de manière passive et désintéressée. Et c’est ce sentiment immersif qui semble manquer paradoxalement à OXYGENE. L’implication du spectateur semble alors avoir été oubliée en cours de route, dans un voyage vers un ailleurs qui n’intéresse guère l’âme en quête d’émotions.


Et au centre de ce machin, Mélanie Laurent se dépatouille comme elle peut, parfois juste dans son interprétation, mais souvent en surjeu ; avec cet excès presque désespéré de vouloir à tout prix nous transmettre une émotion. Buried avait son accroche humaine, son postulat réaliste et minimaliste et cette solitude étouffante. OXYGENE fait dans le tape-à-l’œil ; comme s’il était symptomatique d’une époque où la création se contenterait seulement d’insuffler quelques stimulations pour compenser des déficits d’attention. Le suspense, c’est quelque chose qu’il ne faut jamais lâcher. Une fois que le fil narratif se coupe, plus rien ne peut nous raccorder à la navette. Seule destination : le vide puis la lente déliquescence vers une mort certaine. Tragique destin d’un récit incapable de nous tenir en haleine. Jamais anxiogène, le huis-clos ne parvient jamais à toucher à la sensation, à nous immerger dans la détresse du personnage ou simplement à nous scotcher à notre fauteuil. Demeure néanmoins quelque chose d’assez ludique dans cette mise en images : Aja sauve le caisson ; mais les câbles d’alimentation sont déjà rognés. Artificiel au lieu d’être humain, lassant au lieu d’être prenant, risible au lieu d’être émouvant ; on peut dire qu’OXYGENE épuise lui-même ses réserves d’air à force de s’agiter dans du vide. Quitte à ce que le film se cryogénise tout seul, sans possibilité de survie.


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blacktide
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le 12 juin 2021

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