Les Jeagers Hallucinés.

Après une longue traversée du désert, le maître du fantastique reviens enfin derrière la caméra, et autant vous dire qu'à mes yeux c'était pas gagné, mais pour mieux comprendre mon point de vue il faut le contexte : j'adore Guillermo Del Toro depuis Le Labyrinthe de Pan et le bestiaire d'Hellboy confirmait son habilité à saisir l'essence des créatures lovecraftiennes. Pour faire simple son projet d'adapter Les Montagnes Hallucinées de H.P. Lovecraft est mon rêve cinématographique ultime. Il est pour moi le seul réalisateur à ce jour capable de transposer le mythe de Cthulhu à l'écran (John Carpenter aurait pu prétendre à ce rôle il y a 30 ans mais n'en est définitivement plus capable au vu de son dernier film). Bref, j'espérais d'abord que réaliser Bilbo lui donnerait suffisamment de notoriété pour se lancer ensuite dans Les Montagnes Hallucinées avant que James Cameron se pointe et se dise prêt à financer le film. 9 mois de jubilation jusqu'à ce que ce dernier se retire sans raison apparente. Et là, c'est le drame : le film de mes rêves est annulé ... au profit d'un blockbuster dont le pitch initial ressemble à Power Rangers VS Godzilla.

Parler de désillusion serait un doux euphémisme. J'avais suffisamment d'amertume pour produire un concentré artificiel de quassine.

Donc à la base Pacific Rim n'avait rien d'un fantasme de geek pour moi, je n'arrivais pas à le voir autrement que comme "Le film qui annula les montagnes hallucinées". Relativement peu amateur de culture nippone, je n'arrivais pas à m'enthousiasmer sur ce projet qui emballait mes amis fans de mangas. J'ai donc ruminé dans mon coin et maudit James Cameron à n'en plus finir pour avoir osé nous donner de l'espoir avant de nous l'enlever brutalement.
Puis les premiers trailers sont tombés. Le gigantisme des Jeagers, le design légèrement lovecraftien des Kaijus, et l'aspect titanesque des affrontements ont suscités mon intérêt. Sans avoir un chef d’œuvre de poésie fantastique tel que "Le labyrinthe de Pan" ou "L'échine de Diable", Pacific Rim nous promettait un gros divertissement bien fun dans la lignée des Hellboy. Et c'est exactement ce qu'on a eu. Le film est exactement dans le ton de ce que nous vend la bande-annonce : fun, bourrin, dantesque et un orgasme de tous les instants pour nos rétines. Même en dehors des combats on en a toujours plein les yeux : l'immensité des hangars rempli d'un niveau de détails hallucinant, les chantiers de construction vertigineux, le marché noir des organes de Kaijus qui n'aurait pas dénoté dans le fameux marché des trolls d'Hellboy 2, tous les décors en foutent plein la vue. D'ailleurs en parlant d'Hellboy, ce dernier fait une apparition remarquée. Plus qu'une apparition même, Ron Perlman nous livre à nouveau une excellente performance dans un rôle d'anthologie; mais c'est bien sûr son collègue de Sons Of Anarchy qui crève l'écran. Charlie Hunnam est aussi bon et crédible que dans son rôle de biker et y apporte la même touche d'émotion dans un autre univers de brutasses. Rinko Kikuchi parvient également à proposer un personnage touchant avec une histoire bien établie, notamment lors du fameux flashback assez réussi. Attention toutefois à ne pas se tromper de cible. Del Toro lui même clame haut et fort qu'il voulait faire un film léger pour l'été, et même si on sent toujours sa passion dévorante pour les monstres, il s'agit plus ici d'un divertissement fun dans la lignée d'Hellboy que d'une œuvre intimiste et poétique telle que Le Labyrinthe de Pan. Ça peut sembler évident en lisant le pitch ou en voyant la bande-annonce mais je ne compte plus le nombre de critique négative de la part de spectateurs qui espéraient quelque chose de plus profond. On parle de robots géants qui se foutent sur la gueule avec des dinosaures extra-terrestres, vous vous attendiez à quoi sérieux ? Je sais bien que c'est Del Toro mais il aime bien se défouler aussi par moment. Alors certes ça ne remplace pas la perte d'une adaptation de Lovecraft dont je n'ai toujours pas fait le deuil (et qui ne verra probablement jamais le jour vu comme c'est parti) mais ça fout une sacré claque aux globes oculaires et ça remplit parfaitement son contrat de film de destruction massive.
Donc si la bande-annonce vous a plût et que vous espérez trouver un divertissement bien plus inspiré que les pitoyables Transformers, foncez sans hésitation. Si vous espérez de la branlette intellectuelle avec un pitch pareil, passez votre chemin et arrêtez de vous mentir à vous même (je conçois parfaitement qu'on puisse ne pas aimer ce film si on est tout simplement pas fan du genre. Mais si on sait de quoi ça parle avant d'y aller, faut une sacré dose d’hypocrisie pour trouver ça raté)