On ne fréquente pas sans s'infecter la couche du divin



  • J'ai enterré mon chien ici.

  • Alors cette terre est sacrée.

  • J'ai dit une prière. Après le raid. J'ai demandé un miracle.

  • Il arrivera peut-être un jour.

  • Ce jour-là, tu es arrivé. Je crois que je t'aime.

  • Rien de mal à ça. S'il y avait plus d'amour dans le monde... il y aurait moins de morts.

  • Alors il ne peut rien y avoir de mal à... faire l'amour.

  • Je crois qu'il vaut mieux... commencer par aimer avant de penser à... l'autre chose.

  • Si je commence par aimer quelque temps... tu m'apprendras l'autre chose ?

  • Pour la plupart des gens... ça va avec le mariage.

  • J'aurai quinze ans dans un mois. Maman s'est mariée à quinze ans. Tu m'apprendras ?

  • 99 hommes sur cent seraient fiers de dire oui. Mais une jeune fille... une jeune femme comme toi... n'engage pas son avenir sur un homme comme moi.



La vie est un sommeil et la mort est le temps du réveil, et l'homme marche entre l'un et l'autre comme un fantôme.


Dès les premières minutes de Pale Rider, le cavalier solitaire, on comprend très vite où on a atterri. Un paysage rude et grandiose, des montagnes, des pâturages soufflés par les vents. C'est l'Ouest du genre western dans toute sa beauté et sa dureté. Un groupe d'hommes à cheval, au galop, armés jusqu'aux dents font irruption dans un campement de chercheurs d'or. Une attaque terrible s'ensuit, des animaux sont abattus, des maisons sont détruites, des hommes sont blessés. Une admonestation est donnée, les villageois doivent partir sinon c'est la mort assurée. Alors que tout semblait être perdu pour ces pauvres bougres, un espoir surgit. Un cow-boy solitaire, homme des vastes étendues sauvages et des soleils couchants, assassin, justicier, énigmatique et impénétrable, une figure mythologique que Clint Eastwood en grand spécialiste, incarne sous la forme d'un prêtre silencieux, bienfaiteur et meurtrier. L'indiscernable et l'augural définissent cet homme qui passe d'homme de foi habillé en clergé, en meurtrier armé de deux Colts. Avec ce Pasteur ténébreux et répressif, Clint Eastwood perpétue dans sa forme la plus symbolique son personnage d'homme sans nom, mutique et infaillible, qui porte en lui un passé effroyable que le spectateur n'a pas de raisons de connaître.


C'est en tant qu'acteur/réalisateur venant de passer la cinquantaine d'années, en pleine appropriation de son art, possédant à ce moment-là un statut culte à travers diverses personnages emblématiques, ayant bouleversé le western traditionnel d'Hollywood, qu'Eastwood présente un résumé de l'essence même de l'Amérique ainsi qu'une part de lui-même. Le cadre initial de l'action, n'est pas son carburant principal, c'est avant tout l'or, celui qui obsède, qui rend dingue, qui convoite les jalousies, qui donne justification au meurtre, le principe de la puissance lié à la richesse, les origines de l'histoire américaine. La découverte de l'Amérique étincelant, le continent doré, la ruée vers l'or. Le film se promène au rivage de la figure sainte, et damnée, ou le bien et le mal se côtois, avec les codes du western. Un film aux apparences trompeuses pourvut d'un scénario classique, possédant un développement de l'intrigue et des personnages qui enrichissent le récit (dans une moindre mesure).


Le rythme du film est plutôt soutenu avec de bonnes scènes d'action loin d'être extraordinaires, mais suffisant pour passer un bon moment. Les confrontations sont autant violentes (à coup de gunfights), qu'amusantes avec le fameux duel à la masse, où Clint finit par donner un bon coup de masse dans les roustons d'un imposant brigand idiot. L'intrigue use par moments de brutalité comme avec la tentative de viol sur Megan Wheeler, ou encore l'exécution du pauvre Spider Conway. Tout ceci n'est jamais indigeste car contrebalancé par le relationnel ambigu et amoureux des personnages féminins à l'encontre du Pasteur.


Clint Eastwood en Pasteur solitaire incarne un personnage charismatique très marquant, orné d'une aura fantomatique efficace. Un cow-boy de morale, ne profitant nullement des femmes s'offrant à lui, voulant aider les chercheurs d'or démunis au départ par la négociation, puis fatalement quand le dialogue n'est plus envisagé par les flingues. Sydney Penny dans le rôle de Mélanie (Megan en original) Wheeler incarne une belle et pétillante force féminine, qui de ses 15 ans parvient à captiver l'attention. Elle vous une haine absolue en LaHood et son fils, et vaut une fascination pour le Pasteur dont elle tombe amoureuse. Carrie Snodgress sous les traits de Sarah la maman de Mélanie, amène l'ambivalence aux relations étant elle-même amoureuse du Pasteur et pourtant promise à un homme de bien.Michael Moriarty alias Hull Barret, c'est le bon gars, l'homme brave qui donnerait tout ce qu'il a pour aider les autres. L'homme parfait pour fonder une famille, un Charles Ingals bis. Bravo à John Russell que je trouve très bon en Marshal Stockburn. Lorsqu'on comprend qu'il est uni par un passé tragique au Pasteur, on ne rêve que de voir ce qu'il s'est passé.


Dans un symbolisme marqué le film déroule son intrigue jusqu'à la scène de fin, amenant une confrontation épique contre les hommes de main (shérif) du marshal Stockburn, un grand moment de bravoure, une confrontation au sommet. Une fois la sentence tombée, la vengeance assouvie, le bien délivré du mal, le Pasteur disparaît vers les limbes sacrés d'une majestueuse montagne. Un grand moment imprégné d'une bonne mais discrète musique de Lennie Niehaus, agrémenté de la voix de Mélanie (Megan) Wheeler qui de son crie puissant transperce le silence, pour remercier et proclamer au loin son amour pour celui qui les a libérés. Le mysticisme est le métaphorique dans une touchante forme de sincérité, superbement illustré par une magnifique photographie ainsi qu'une excellente mise en scène par un Clint Eastwood techniquement bien entouré.


CONCLUSION :


Pale Rider, le cavalier solitaire est une oeuvre signée et incarnée par Clint Eastwood, qui livre une partition sobre et hypnotisante du western. Un film sensoriel présentant la virtuosité cinématographique de son concepteur. Pale rider n'est pas le western majeur d'Eastwood, mais il est assurément un excellent film.


" Alors j’ai regardé, et sur un cheval pâle se dressait son cavalier nommé Mort et la mort l’accompagnait. "

Créée

le 3 avr. 2020

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