Une lutte des classes qui vire au vinaigre

Depuis Pulp Fiction, jamais une Palme d’Or n’avait autant surpris de par sa forme et son propos. Le réalisateur, Bong Joon-Ho,fait de Parasite, un film audacieux où une famille pauvre va infiltrer financièrement et psychologiquement une famille riche.Rien que ce postulat de départ est dingue car il prédispose le spectateur à voir cette manœuvre comme une survie sociale pas si dérangeante. Ensuite, le réalisateur renvoie le miroir peu flatteur sur les membres de la famille riche bien à son aise d’évoluer dans son univers d’ultra dépendance et assistance. Les codes intra-familiaux et sociaux des deux ensembles ne pouvant qu’entrer en collision et provoquer une lutte des classes virant au vinaigre.Ce qui advient naturellement. Par contre, là où le réalisateur fait mouche, c’est sur l’argument de la défense de l’acquis, quand la famille de Ki-Taek, se retrouve confrontée à l’ancienne gouvernante et à son secret.C’est là que la maison des Park devient un enjeu territorial et où la famille riche n’est plus qu’un élément du décor. Un moment fracassant l’équilibre et où la morale sociale n’a plus lieu d’être. En suggérant que l’appartenance à un milieu ne fait plus l’homme et que son animalité triomphe, Bong Joon-Ho n’a plus qu’à affûter son jeu de massacre. Et c’est cette dissonance particulière qui nous fait dire: jusqu’où va-t-il aller? Quelque part, j’estime que ce déchaînement des esprits et des événements laisse la part à un cinéma expressionniste ne se souciant pas d’établir une certaine mesure. Et c’est une limite, qui après une première heure virtuose, fait tomber le film dans la violence et qu’il est difficile de lui trouver un épilogue consistant. La force d’évocation retombée, Parasite s’embourbe un peu dans la façon de faire revenir à la réalité la famille pauvre empêtrée dans ses traumatismes et ses réflexes de base. Reste un exercice audacieux, irrévérencieux qu’on n’avait pas trop osé montré encore au cinéma ( mis au part dans la vie est un long fleuve tranquille de Chatillez entre autres) car la cohabitation sociale y est codifiée pour ne pas heurter les riches ou les plus défavorisés. Faire voler les conventions, c’est le pari réussi de Parasite.C’est aussi ce qui l’empêche de statuer avec tact tant le déferlement émotionnel à l’anniversaire du fils des Park,empêche toute rémission psychologique. Un état des lieux au final très noir et vertigineux.

Specliseur
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le 5 mars 2020

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