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A sauver, la cinématographie de Daria D'Antonio.

Paolo Sorrentino est un esthète qui s'applique à créer des visuels somptueux. Avec lui, chaque plan se doit d'être composé, chaque touche de lumière et de couleur maitrisée. Son travail repose en grande partie sur le génie de Daria D'Antonio, cette directrice du département caméra et électrique qui, depuis La Grande Bellezza, fait exister de façon extraordinaire les idées du réalisateur. Grace a elle, chaque effet vaguement souhaité est materialisé et rendu avec précision.

Ceci dit, Sorrentino n'est pas du tout scénariste et encore moins "auteur". La Grande Bellezza lui valut les accolades d'un certain public que l'effet de surprise et le slogan "La Dolce Vita des annees 2010" conditiona favorablement, mais depuis, aucun de ses films n'est parvenu à en reproduire le succès. Ce dernier effort semble être une tentative désespérée du realisateur d'imiter son premier film, comme s'il se disait : "Mais qu'est-ce qui a bien pu plaire au public dans mon plus grand succès ? essayons de le reproduire, et comme je ne suis pas sur, jetons les ingredients en vrac".


Alors, en dehors de l'extraordinaire packaging esthétique avec lequel le script est présenté, inutile de dire combien la trame et les idées du film sont stupides et grossières (idiocracie oblige), mais là il faut vraiment reconnaitre que le niveau est devenu particulièrement bas: l'histoire parle d'un top-model qui brille dans le monde académique en tant qu'étudiante puis professeure, et qui brille de la même façon dans les affaires libidineuses en craquant tour à tour pour son propre frère (l'inceste ça marche toujours dans le "cinéma d'auteur"), pour un vieil écrivain alcoolique, pour un vieil homme d'eglise satanique, et d'autres rencontres pretextes a montrer un peu de sexe. Elle traverse ainsi trois décennies (en semblant toujours directement sortie d'une publicité pour un shampoing) avec un quelconque bouquin d'anthropologie sous un bras et un quelquonque amant ébloui pendu à l'autre. C'est le fantasme bêbête du "simp" ou de l'homo qui a besoin d'une déesse à adorer.

Soit.

Et donc, quelle est la prémisse du film ? Exactement la même que celle de La Grande Bellezza : la vieille anthropologue couverte d'honneurs se trouve remplie de joie en observant la plèbe célébrer la victoire de leur équipe de foot. Donc, au lieu de "voyez la beauté dans le néant narcissique du milieu privilegié dans lequel j'evolue" (La Grande Belleza), c'est cette fois "voyez la beauté dans La grande Imbecillità Sociale dans laquelle je n'evolue pas -mais je suis professeure d'anthropologie."

Soit.

Les gens de cinéma aujourd'hui, qu'ils soient scénaristes ou réalisateurs, sont loin d'avoir quoi que ce soit de réel à dire, on le sait. Ils évoluent pour la plupart dans un petit cercle de prostitués au pouvoir, sont soit des satanistes soit des "idiots utiles" et perroquettent les propagandes qui leur sont imposées par leurs maitres sans jamais effleurer aucun sujet important. Donc pour ma part, je n'ai jamais d'attentes de substance dans ces "films d'auteurs", mais de savoir-faire, si !

Alors ma question est : "À part ça, qu'y a-t-il d'intéressant en termes de storytelling ?"Ben, l'actrice est chaude. Oui, soit. Mais ensuite? Ensuite? Je suis certain qu'on peut à quelque conférence écouter de jeunes intellos efféminés vous expliquer entre deux coupes de champagne le hors-champ, le conceptuel et, en tirant sur une cigarette, le symbolisme qui fera office de complément à ce produit insipide. Mais en ce qui concerne le scénario en soi, il est simplement le résultat d'une carte blanche donnée à un intello branché du milieu du cinéma afin qu'il ponde son ramassis de bêtises prétentieuses en s'autorisant une totale "self-indulgence". Alors j'ai apprécié la cinématographie, mais le script et les dialogues méritent un zéro.

J'aime beaucoup les realisateurs qui prennent un soin particulier de l'esthetique, mais l'insipidite de Sorrentino me rapelle combien des cineastes comme Sergio Leone ou le Bertollucci de Novecento etaient geniaux.


Pour conclure, je ne sais combien de millions d'euros cette production a couté, j'imagine qu'elle fut profitable, et que chacun y trouva son compte, du gouvernement qui subventionne ces crétineries, au producteur, et jusqu'à la niche d'intellos passionnés qui les consomment. Pourtant, je ne peux m'empêcher de penser que nous sommes en 2025, la Nouvelle Vague c'était il y a très longtemps, l'assommoir pretentieux des années 70 et le shock-factor sexuel sordide des années 80 aussi. Il me semble qu'aujourdhui ce genre de titillation est bien datée, même en temps d'idiocratie terminale, et j'ai trouvé dommage qu'un tel talent de réalisateur ne soit pas mis au service d'un véritable scénariste.

Il y avait en France dans les années 90 un cinéaste en vogue qui jouait à peu près le même jeu (mais il n'avait pas un partenaire aussi brillant que Daria D'Antonio) : un certain Dupont (ou était-ce Dupond) qui se faisait appeler Leos Carax. Il est depuis tombé dans l'oubli.

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le 28 sept. 2025

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