Pas de vagues fait partie de ces films qui pourraient craindre d'un éventuel recours accru à l'intelligence artificielle dans les prochaines années, tant il est parfaitement dépourvu d'idées de cinéma. Et ce serait d'ailleurs tant mieux ! Là où certains y voient une menace pour les métiers artistiques, j'y vois surtout un outil formidable pour enfin renvoyer tout un tas de tâcherons dans les ténèbres desquelles ils n'auraient jamais dû sortir. Et je crains, hélas, que ce cher monsieur Lussi-Modeste fasse partie de la cohorte de ces nullards à oublier incessamment sous peu.
Moi, énervé contre monsieur Lussi-Modeste ? Non ! À vrai dire, oui. Je n'ai rien contre lui en particulier, mais j'avoue en avoir plein le cul de ces gens qui prétendent faire du cinéma alors que leurs œuvres sont au mieux des téléfilms de début d'après-midi. J'en ai plein le cul de ces gens qui pensent que la mise en scène, ça ne sert qu'à illustrer, et non à transmettre des émotions. Car tout ce film n'est qu'illustration. Les personnages, leurs émotions, leurs relations, leurs idées, leurs envies, leur environnement ; tout est illustré, jamais incarné. Une collègue de François Civil est déçue d'apprendre son homosexualité car elle commençait à développer des sentiments manifestes pour lui sans qu'il ne la prévienne ? On nous le montre, bien sûr, au travers d'une petite scène où elle lui prend la main. Et puis c'est tout. Le spectateur ayant compris, on passe à autre chose.
Sauf que le cinéma, monsieur Lussi-Modeste, et l'Art en général, ne se suffit pas à la compréhension du spectateur. Il faut une transmission d'émotions ; c'est là son essence même. Sinon, autant lire un résumé détaillé, ça économiserait du temps pour le même résultat. Mais quand on se cantonne à l'illustration, comme tu le fais, quand on se borne à faire comprendre au spectateur et à passer à autre chose une fois la mission accomplie, quand on ne laisse pas ses scènes exister suffisamment longtemps pour espérer toucher à quelque chose de vrai, de palpable, quand on se satisfait, comme tout réalisateur médiocre, du strict minimum, c'est-à-dire d'une superficialité indigne, on ne transmet pas d'émotions, si ce n'est un ennui dont on pourrait se passer.
L'ennui d'un film sans idées, sans envergure, tout juste bon à imbriquer entre eux des procédés de mise en scène préfabriqués. Pilote automatique. Il nous faut une scène de tension ? Mettons une musique bien grave, profonde, comme ça cet abruti de spectateur comprendra qu'il y a du danger. Misère.