Daignez me permettre à défaut d'une science limitée, d'apporter ma subjectivité.


On suit une narration en 3 mouvements : d'une part Jerzy, un metteur en scène polonais qui cherche à reproduire des tableaux célèbres. D'autre part l'insatisfaction d'un cinéaste à l'endroit de l'éclairage. Et enfin une jeune ouvrière bègue provoquant une grève dans une usine.


L'exagération se stylise mal. Gaudard le sait. Donc Gaudard est délicat, fin, plus mesuré qu'à ses débuts. Évidemment il garde son goût de la mise en scène. Pourtant ici il n'axe pas toute son attention là-dedans. C'est dans la masse un très bel objet de cinéma, mais quelques clichés esthétiques m'ont refroidi et coupé l'appétit. Il effleure le péché d'orgueil, sans le vouloir il se rappelle trop souvent de son nom « GAUDARD ». Impressionnant, n'est-ce pas ? il semble pourtant le plus impressionné. Sa mise en scène se rabaisse dès lors à la technique de l'effroi de ne plus plaire. Des plans où il filme le soleil derrière un arbre, ou une lumière sur un mur le disent bien. De quoi tomber, sans le vouloir, dans un art usé et des images abîmées. Sa gloire a eu raison de lui. Il sait filmer, il le sait puisqu'il est Gaudard, c'est son fardeau.


Pas d'inquiétude, le génie du monsieur n'est pas un résumé bête de belles images.


L'art naît de l'art. Certains disent que l'art naît de la vie, mais il s'agit d'une pure politesse faite à celle-ci. L'art n'a besoin de la vie que pour loger, à contrario dans son essence l'art doit s'en abstraire. En bref c'est ce que fait montre le film, par le metteur en scène polonais qui cherche à reconstituer les grands tableaux. Dans une portée de finesse et de classe, le bruit s'arrête un instant. Et le beau fait irruption. Loin des arts médiocres et des emphases classiques, il digresse dans la substance filmique, vagabonde entre 3 narrations, et démontre le prestige d'un sublime. Celui-là qui, transcendant à travers l'image, fait de la réalité un joujou godardien. En vérité, cette volonté de verbiage vire vraiment au verbeux.


Laissez-moi à présent dans ce dernier acte vous démontrer le précepte esthétique du film qui m'est le plus cher.


Il s'agit des regards caméra répétés d'Isabelle, elle est bègue, d'une voix ardûment portée. Abstraite du monde syndical. Elle est le paroxysme de l'insignifiant. Pourtant elle est à l'origine de ladite grève. Assez digressé revenons à son ordre intimiste. Ces regards qu'elle porte à la caméra sont remplis de non-dits, qui nous brûlent jusqu'à la moelle et déboulent signifier une mélancolie. Ce motif est un jeu anaphorique, un pronom qui dans le "nous" ubiquitaire, dit "je". Elle semble le répéter, assez pour finir par le crier. Tous les membres de sa pensée ne se dissèquent pas. Un grand nombre d'entre eux sont seulement supposés. L'association de la finesse de la caméra au subtil regard, vient mordre en silence l'esprit spectatoriel.


Finalement c'est entre abstrait et sensible que le film danse. Entre défaut et sublime que se meut l'esprit de génie.


En bref, Gaudard, pas mal le film.

paronyme
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le 18 août 2025

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