"Il n'y a pas de règles au cinéma, et c'est pour ça que les gens l'aiment encore."

Ici, tout est vrai. La lutte des ouvrières est filmée sans effets, de loin, avec le moins de mise en scène possible. Les conflits qui gangrènent leur révolte eux, sont cadrés au plus près des ouvrières, avec le son décalé. Plus rien ne circule entre elles, il n'y a plus l'amour du travail car elles l'ont perdu.

Et il y a le cinéma, terre poétique, où Godard met en scène des tableaux de la Renaissance. L’enchevêtrement de corps fait naître sous nos yeux des toiles de Rembrandt et d'autres, avec une lumière donnant la part belle aux clair-obscurs. La caméra traverse ces toiles au rythme de la musique de Mozart, c'est vraiment magnifique, il y a de vrais moments hors du temps pendant ces séquences. Mais le cinéma, ce n'est pas que le rêve, c'est aussi le travail. Il y a la des scènes plus réalistes, avec la lumière qui ne va pas, la vérité qui est absente d'une image, et le réalisateur qui refuse de travailler. J'aime beaucoup cette vision du travail, faisant cohabiter idéalisme et concret, et montrant un lien entre le travail d'artiste et celui, méticuleux, des ouvrières de l'usine.. Godard aboutit d'ailleurs à la conclusion que: "dans aimer son travail, le mot aimer ne vient pas de aimer, il y va, donc allons-y."

Les femmes sont idéalisées dans tout le film, et c'est d'autant plus vrai dans ces toiles, où leurs délicieuses poitrines sont bien mises en valeur. Godard sait encore une fois sublimer les femmes, jusqu'à la moindre ouvrière d'usine, comme Huppert, magnifique de vérité. La quête de cette dernière pour son emploi est vraiment touchante, mais aussi chaotique, passant au second plan, car l'histoire n'existe que si elle est vécue, et qu'une histoire vraie ne se passe pas comme au cinéma. Les personnages jouent donc de l'harmonica pendant les discussions, des mots se perdent dans le bruit d'une voiture qui démarre, des bagarres éclatent entre patrons et ouvrières.

Bref, un film de Godard, qui mêle la simplicité extrême avec des scènes fortement mises en scène, en harmonie avec la musique de Mozart. Tout y est vrai.
C'est sublime, peut être même un des plus beaux Godard.

Et le documentaire qui va avec (Scénario du film Passion) est autant indispensable que le film lui même.
W_Wenders
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le 23 nov. 2014

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