Passion Simple multiplie les séquences d’enlacements et d’étreintes sans jamais pourtant parvenir à représenter ce mouvement de sortie de soi à l’épreuve de l’autre tel qu’il s’explicite par la voix off en clausule. L’ambition du roman d’Annie Ernaux consistait à faire de la passion une nécessité vécue au présent ainsi qu’une communication par désirs interposés qui se répondent l’un à l’autre, la seule communication véritable – dans la mesure où nous n’avons jamais accès aux pensées de l’autre. Or, le film s’accroche moins aux détails du quotidien, s’attarde moins sur la concrétude des choses qui constituent l’environnement des passions représentées ; à la place, il semble flotter au-dessus des corps et des lieux, regarder l’amour depuis l’extérieur d’une baie vitrée ; il ne donne pas de réelles prises sur l’histoire et sur les amants qui l’animent. Nous avons davantage l’impression d’assister à une illustration des appétits de la chair, avec ce qu’ils peuvent avoir d’indicibles et de vertigineux – oubli de soi et des autres, dégradation physique et psychique –, qu’à une incarnation de ces plaisirs, quoique les deux acteurs se livrent corps et âme aux rôles qu’ils interprètent.


Nous ressortons de Passion Simple avec une impression vaporeuse faite d’images floues, forte d’un lyrisme que la romancière rejetait en bloc – les séquences de déambulation urbaine, par leur esthétisation importante, tendent à la contemplation. Le mystère intrinsèque à Alexandre se lève à mesure que les révélations sur sa personne se multiplient ; tout se passe comme si la réalisatrice avait peur de se contenter – et par la même occasion de contenter son spectateur – des désirs à l’état brut, captés « d’une manière extrêmement précise, très concrète, de la manière la plus nue ». Et si le travail du son s’avère convaincant, notamment en ce qui concerne la sonnerie du portable qui interrompt un cours à la Sorbonne, amphi Cauchy, ainsi que le sèche-cheveux, il ne suffit pas à créer une expérience sensorielle inventaire qui faisait l’originalité et la puissance du roman. Un film en demi-teinte qui a le mérite de s’attaquer à une œuvre complexe et qui nous donne envie de la (re)découvrir.

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le 17 août 2021

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